FOOD

Assiette polonaise

La Pologne ne fait pas partie des pays les plus réputés gastronomiquement parlant. Elle s'est donc lancé un défi : changer le regard des gens sur sa cuisine, à grands coups de chefs passionnés.

 

Vingt-cinq ans après la chute du communisme, Varsovie, qui a retrouvé depuis peu une image de ville moderne, souhaite redorer son blason gastronomique et atteindre le niveau de ses voisins européens dans ce domaine. Chou, patates, boulettes, gruau, vodka, voilà ce à quoi on réduit souvent la nourriture du pays de Jean-Paul II. Et pourtant.
Il faut le savoir, depuis les années 90, une nouvelle génération de chefs formés dans les meilleures écoles françaises puis revenus au pays tente de faire bouger les mœurs culinaires. Toutefois, il est très difficile d’introduire une nouvelle cuisine en Pologne. “Les Polonais sont très attachés à leurs origines et leur terroir. Nous travaillons des produits locaux. Ce qui est très plaisant là-bas, c’est que nous travaillons directement avec les producteurs. Même les supermarchés s’approvisionnent de cette façon. Nous n’avons pas ou presque pas d’intermédiaires”, explique Pawel Oszczyk. Champignons, céréales, betteraves, lentilles, fruits rouges, poissons d’eau douce… sont devenus des incontournables.

Bien mais pas top

À l’ambassade de Pologne, au cœur de Paris, près du ministère des Affaires étrangères, on a pour but de changer l’image de cette cuisine pas toujours appréciée à sa juste valeur. En début de semaine, l’étoile montante de “la nouvelle cuisine polonaise” Pawel Oszczyk s’est mis derrière les fourneaux.

Ce qui est très plaisant là-bas, c’est que nous travaillons directement avec les producteurs
Pawel Oszczyk

L’occasion pour ses hôtes de découvrir un joyau architectural presque inconnu construit en 1774 – pour Marie-Catherine Brignole, ex-épouse du prince Honoré III de Monaco –, un lieu hors du temps ouvert au public seulement lors des journées du Patrimoine et à l’occasion de quelques concerts privés pour les invités de madame l’ambassadrice. Mais surtout de voyager à travers leur assiette.

Lundi midi. Les convives sont assis en silence, les assiettes s’approchent. Impossible de faire marche arrière. Nous voilà au cœur de l’expérience gustative. Chacun médite son plat, l’observe sous toutes les coutures, le prend en photo. L’envie de le goûter est bien là mais, bienséance oblige, il faut attendre les commentaires du chef avant de se lancer. Selle de chevreuil marinée à la vodka de printemps de Polmos Siedlce, cônes de pins et jus d’herbe de bison. Cette plante consommée par les bisons dans l’Est de la Pologne, récoltée par quelques heureux, parfume de nombreux sauces et boissons, dont la légendaire Zubrowka.
Vient le temps de la dégustation. Le moment du verdict. Le gibier se découpe très facilement. Tendre à cœur. L’alcool de pomme de terre semble s’être totalement évaporé. Le jus, un peu plus délicat qu’un vulgaire jus d’herbe se fond parfaitement à l’ensemble. Les saveurs sont censées nous transporter… mais les sensations ne sont pas celles que l’on attendait. Malgré des ingrédients exotiques et la perfection du geste du chef, la recette semble tout droit sortie d’un livre de recettes français un peu poussiéreux. Pour le bon, on y est, pour le moderne on reviendra.

Par Romane Ganneval