MUSIQUE

Kohh, le “Kanye West de l’Asie”

Dimanche dernier, Kohh a donné son dernier concert à La Boule noire, dans le IXe arrondissement de Paris. Loin du combo cliché kawaï/manga/karaoké, celui qui se dit plus artiste que rappeur et foule volontiers les podiums a ouvert une nouvelle voie à la scène japonaise. Rencontre, tard le soir.

Entre soirées de la Fashion Week, concerts et interviews, Kohh est très, très pris. C’est d’ailleurs très, très en retard qu’il pénètre dans la cave du Carmen, au 34 rue Duperré. Il commande un rhum-coca, puis dévoile son personnage, sa passion pour l’art, son histoire. Yūki Chiba –de son vrai nom– n’a que 3 ans quand son père se suicide en sautant d’un immeuble. Sa mère tombe dans la dépression et devient une toxicomane, accro à la méthamphétamine. Ses grands-parents l’accueillent chez eux et il grandit dans les à Oji, un quartier de Tokyo, avant de devenir Kohh, artiste incompris, blasé, et instable. “Je me fais appeler Kohh, en hommage à mon père. C’est son nom de famille.” De son enfance, il ne dit pas grand-chose : “Je sais pas trop comment je passais mon temps. J’ai pas forcément d’événements marquants, je traînais avec mes potes, on taguait des murs et on volait des trucs. J’ai volé des fringues, des vélos et j’ai même volé de l’argent à ma grand-mère”, dit-il en riant.

“Je sais pas, je m’en fous”

 Kohh ne cite personne qui l’inspire, car pour lui, l’inspiration est partout. “Dans quelque chose qui se passe dans la vie des autres, dans ma vie, dans tout.” Il a quand même certaines idoles, comme “Kurt Cobain”: “J’aime le hard rock. J’y connais pas grand-chose, mais Nirvana, les Sex Pistols, Slipknot, etc. j’aime beaucoup. Le seul rappeur avec qui j’aimerais collaborer, c’est Kanye West.” D’ailleurs, son manager l’affirme : “C’est le Kanye West de l’Asie. Quand il fait une tournée là-bas, il lui faut une quantité de managers, il est partout à la télé, tout le monde le connaît. Ici, c’est différent, mais prions pour que ça puisse devenir la même chose.”  Autre chose qui lui permet de créer : le LSD. “La première fois que j’ai pris de la drogue, c’était avec ma mère, elle m’a fait fumer mon premier joint, j’avais 14 ans. C’est peut-être pas très drôle, mais moi ça me fait rire.” Kohh rit beaucoup. Quand il n’a pas l’air absent. Car la moitié du temps, il ne répond même pas aux questions qu’on lui pose. Son entourage affirme que “soit il ne sait pas, soit il en a juste rien à foutre et il a la flemme de répondre”.
Ce je-m’en-foutisme, entre timidité et arrogance, fait la particularité de Kohh. Et c’est cette insolence qui attire son public. Sa musique est pleine de références, d’images, de prises de position, mais en dehors de la scène, il ne “sai[t] pas”. Ce qu’il a fait évoluer au Japon ? La scène, il en est sûr. Mais la politique, comme un gimmick, il n’en a “rien à foutre”.

Art et mode

Kohh, ne veut pas de l’étiquette “rappeur”. “Je suis un artiste.” Grand amateur de Marcel Duchamp, couvert de tatouages, il peint, il sculpte : “Avant de rapper, je voulais être tatoueur. J’ai fait mon premier tatouage tout seul quand j’avais 14 ans, je me suis fait celui-là sur la jambe”,

La musique, l’art, la mode, ce sont des hobbies pour moi, pas mon boulot
Kohh

montre-t-il. Ce qu’il aime le plus, c’est l’art contemporain. Il cite Picasso, le MOMA et le Centre Pompidou. “Je ne suis pas encore allé au Palais de Tokyo, mais j’irai.” Il expose même lui-même et dit ne pas faire de différence entre la musique, l’art et la mode. “Ce sont des hobbies pour moi, pas mon boulot.” 

Aujourd’hui, Kohh est devenu le symbole de l’underground japonais. Sam Tiba, Club Cheval, ainsi que Jeremy Chatelain et Chassol se sont intéressés à lui dernièrement et certains de ses sons ont été enregistrés à Paris, l’une des destinations favorites de ce féru de voyages. Kohh s’y entoure de designers et assiste à des défilés de mode. Ce dont il parle dans son dernier single : Paris (remixé par Sam Tiba de Club Cheval). Proche du designer Hiromichi Ochiai, il a même défilé lui-même pour sa marque, Facetasm. “J’aime Paris parce que c’est traditionnel, explique-t-il. J’aime bien l’architecture.” En revanche, ce qu’il n’aime pas, c’est le bruit, les gens et surtout Châtelet : “Y a trop de monde, trop de jeunes, je peux pas me reposer. Je préfère traîner dans des chambres avec mes potes ou dans des parcs vides.” L’air absent.

Par Annabel Carrillo / Photo : Sylvain Lewis