RETROUVAILLES

Mais que devient Gérard Schivardi?

Candidat Calimero de la présidentielle 2007, il se plaignait de n’avoir que onze minutes et trois secondes d’antenne mais avait, néanmoins, convaincu 123 540 personnes de voter pour lui, avant de disparaître complètement des radars. Mais Gérard est toujours vivant, et autant le dire tout net: il annonce le pire à venir.
Gérard et son village.

“Je suis à mon bureau 50 heures par semaine, je n’ai pas de directeur de cabinet ou directeur de machin comme les maires de grandes villes. Eux, ils signent juste les papiers. Moi, je fais tout.” Il est 11h ce mardi, et Gérard Schivardi, 64 ans, assure seul sa permanence à la mairie de Mailhac. Depuis qu’il a rangé ses truelles et sa bétonnière, l’artisan maçon consacre ses journées à sa commune de 500 habitants à 30 kilomètres de Narbonne, dans l’Aude. En attendant de toucher sa pension de retraite –“J’ai déposé mon dossier en avril de l’an dernier”–, il vit sur ses économies et son indemnité d’édile. “Je n’arrive même pas à 500 euros alors que je dépense quatre fois plus en frais de déplacement”, bougonne-t-il. Mais plus que de son sort, Gérard s’inquiète surtout pour son fils, qui a repris l’affaire familiale. “Les politiques ne font rien pour aider l’artisanat, je ne vous parle même pas de la paperasse. La France, c’est beaucoup de directives européennes”, se plaint celui qui avait récolté 0,34 % des suffrages à la tête d’un improbable attelage entre les trotskistes du Parti des travailleurs et un rassemblement de maires de petites communes.

“Mettez-moi en face de Marine Le Pen, vous allez voir comment je vais m’occuper d’elle!”

S’il évoque avec fierté le dynamisme de son village –“On vient d’ouvrir une piscine”– ou déplore le prix de la nouvelle toiture de l’église –“La faute à la loi de 1905”–, Gérard Schivardi a, en vrai, toujours le même combat: “Sarkozy ou Hollande sont juste des marionnettes qui n’ont pas le courage de dire qu’il faut sortir de l’UE et de l’euro pour faire l’Europe des peuples.” Une feuille de route que propose aujourd’hui Marine Le Pen, ce qui a le don de l’agacer. “Elle se régale à piquer toutes mes idées de 2007. Regardez, vous verrez!” Et Gérard de prophétiser une victoire frontiste en 2017 et sa suite logique, “l’inévitable guerre des religions”. Même dans une terre de gauche comme Mailhac, le maire voit le Front national gagner du terrain. “On avait 20 personnes qui votaient toujours extrême droite. Deux d’un grand âge sont morts. Je pensais qu’ils n’étaient plus que 18 mais on a eu 95 électeurs FN lors des dernières élections. Il s’agit d’un mouvement irréversible. Pour contrer cette flambée, Schivardi a une idée: “Vous me mettez en face, vous allez voir comment je vais m’occuper d’elle! Mais bon, on me censure…”

Heureusement, Gérard n’est pas homme à se laisser emmerder. Il envisage de remettre le couvercle en 2017, si les copains du Parti ouvrier indépendant (POI) sont de la partie. Malgré les vexations de Nicolas Canteloup qui l’imitait en poivrot occitan –“Une blague entre mes sondages et le chiffre quand on souffle dans le ballon”–, Schivardi l’abstinent évoque sa première campagne comme “de très bonnes vacances”. Des congés à budget modéré, bien sûr. “On avait droit à 700 000 euros de frais de fonctionnement, on a dépensé 685 000. J’ai dormi une seule fois à l’hôtel. C’était à Paris. Et encore, j’ai passé la nuit à discuter avec le veilleur portugais.” Gégé a toujours aimé exposer ses idées ; c’est peu dire que la frustration avait été grande en 2007.  “La seule avec qui j’avais vraiment pu parler politique, c’était Laurence Ferrari sur Canal+. Je m’étais régalé.” Marine Le Pen, Laurence Ferrari: apparemment, Gérard Schivardi préfère parler aux blondes.

Alexandre Pedro