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Katmandou, Népal, 25 avril 2015

Maciej Dakowicz est un photographe, globe-trotter et galeriste polonais basé à Mumbai, en Inde. Il est l’un des fondateurs de la Third Floor Gallery à Cardiff et un membre de In-Public, le collectif international de street photography. Le 25 avril dernier, il était en déplacement à Katmandou, au Népal, là où la Terre a tremblé. Il raconte, en mots et en images.


“J’étais au Népal pour animer un atelier de street photography et photos de voyage d’une semaine. C’est le sixième jour que c’est arrivé, à 11h57.

On avait passé la matinée à marcher autour de Old City et Durbar Square à Katmandou. On a quitté Durbar Square aux alentours de 11h, puis on est retournés à l’hôtel. On y était, prêts à parler de nos photos quand tout à commencer à bouger, à 11h57. J’étais à l’intérieur de l’hôtel, au cinquième étage, sur le point de descendre les escaliers pour voir mes étudiants. Tout à coup, l’hôtel a commencé à bouger. Je me suis tenu à l’encadrement de la porte, sans vraiment comprendre ce qui était en train de se passer. Les secousses étaient vraiment fortes, j’avais peur que le plafond ne me tombe sur la tête, parce qu’il y avait une grosse fissure. Puis, ça s’est stoppé d’un coup. J’ai couru dans ma chambre, j’ai saisi mon matériel photo et je suis descendu chercher mes étudiants. Un était dans sa chambre, les autres étaient dans le jardin. On nous a dit d’aller dehors dans un espace plus grand, à quelques minutes de l’hôtel, là où les habitants se rassemblaient. On est allés là-bas, avec eux, sans savoir ce qui allait se passer. Il y avait des tremblements fréquents, les gens pleuraient, criaient, priaient quand le sol bougeait, appelaient leurs proches. Personne ne savait vraiment ce qui se passait, il y avait beaucoup de confusion. Parfois, on voyait des gens dans la rue avec des casques courir et transporter des personnes blessées.

Alors, j’ai décidé qu’il était temps d’aller voir ce qui se passait. J’ai couru dans la rue vers un autre endroit, où une maison s’était effondrée. Il y avait une action de sauvetage, les gens essayaient de trouver des personnes ensevelies sous les décombres. Ils ont trouvé une jeune femme, toujours en vie ; elle était sous les gravas avec sa cousine, morte. J’ai photographié la scène comme elle s'est déroulée devant moi, quand ils les ont trouvés. Je suis resté là à prendre des photos pendant un moment. Puis quelqu’un a dit que Durbar Square avait été endommagé. On ne pouvait pas y croire. Alors, on a décidé d’y aller pour voir ce qui s’y était vraiment passé. On n’en a pas cru nos yeux: de nombreux temples et monuments historiques étaient complètement détruits, ça ressemblait à une zone de guerre. Le chaos. Plusieurs personnes exploraient les débris, à la recherche de survivants. J’ai passé le reste de la journée au square, à essayer de capter la tragédie. Quand il a commencé à faire nuit, je suis retourné à l’hôtel. Les employés nous ont dit qu’il était trop dangereux de dormir à l’intérieur, le tremblement de terre pourrait encore frapper. On a dû dormir dans la rue, en face de l’hôtel. Beaucoup d’habitants de Katmandou ont passé la nuit dehors. Il faisait froid, il a rapidement commencé à pleuvoir, aussi. Avec d’autres personnes, on est rentrés dans le hall de l’hôtel. Le sol a continué à bouger, souvent, et on devait vite sortir à chaque secousse, de peur que l’hôtel ne s’effondre sur nous. Une nuit de frayeur. Sans dormir.

Le lendemain, il y a eu encore beaucoup de secousses et vers 14h, un autre tremblement de terre, aussi violent que le premier. Par chance, j’étais alors avec mes étudiants dans un restaurant en plein air, le seul servant de la nourriture qu’on ait trouvé ; on était en train d’attendre notre déjeuner. Le sol a commencé à fortement bouger. Encore. Mais aucun bâtiment ne s’est effondré autour de nous. J’ai encore photographié les actions de sauvetage ce jour-là, à Durbar Square et Dharahara Tower. La nuit, on a encore dormi sur le sol du hall de l’hôtel, on a encore couru dehors à chaque fois que l’on ressentait une secousse. Il y avait beaucoup de fissures sur les murs de l’hôtel.
Le jour suivant, les employés nous ont dit que l’on ne pouvait plus rester là, c’était devenu trop dangereux, l’hôtel était trop endommagé. La plupart de mes étudiants ont décidé de quitter Katmandou, ont essayé d’attraper un vol le plus tôt possible. J’ai décidé de rester. J’ai trouvé une petite maison d’hôte sur un étage. Il n’y avait pas d’électricité mais l’immeuble semblait solide. J’ai choisi de dormir à l’intérieur, dans la chambre, dans le lit. J’étais tellement fatigué après deux nuits sans dormir… J’ai dormi habillé, prêt à fuir aussi vite que possible au cas où un autre tremblement de terre surviendrait. Heureusement, rien de sérieux n’est arrivé, juste quelques petites secousses… Ce jour-là, un magazine allemand m’a demandé un travail à propos du tremblement de terre, et j’ai quitté Katmandou pour aller voir les dégâts causés dans les villages de montagne, près de l’épicentre. Mais c’est une autre histoire."