Enquête

Au cœur du trafic

En Espagne, de Marbella à Malaga, les narcotrafiquants du monde entier viennent faire leurs affaires, sortent en boîte ou au casino, montent des go fast. Au milieu d'eux, invisibles, sont tapis des flics français: les officiers de liaison du bureau andalou. Qui révèlent ici les secrets de leur métier.
  • Par Raphaël Malkin / Illustrations: Emmanuel polanco
  • 26 min.
  • Rencontre
Un homme portant une chemise bleue avec le texte "Marbella Vice", une voiture rose et des palmiers imprimés dessus. Il a une arme à feu à la ceinture. L'arrière-plan montre des palmiers et un ciel de crépuscule.

Tandis qu’à travers la baie vitrée, la silhouette imperturbable des palmiers se détache dans la nuit, à l’intérieur, deux cadavres criblés de balles de fusil-mitrailleur gisent dans une mare de sang qui pourrait remplir une baignoire. Sacré carnage que cette scène découverte par les enquêteurs le soir du 5 octobre 1996 dans une villa aux murs blancs des hauteurs de Marbella, la station balnéaire “chic et choc” de la côte andalouse. “Il y avait la piscine, tout le confort possible. On n’était pas chez n’importe qui. J’étais à la fois incrédule et dégoûté”, raconte le policier français Pierre Portero, qui, quelques jours plus tard, débarque sur les lieux. Il accompagne alors les forces espagnoles chargées de la lutte contre le crime organisé, envoyé en catastrophe par l’ambassade de France à Madrid pour une simple et bonne raison: les victimes -un homme et une femme- sont françaises. Pour le limier et ses homologues espagnols, cette histoire ne peut être qu’un règlement de comptes. Pierre Portero s’empresse de transmettre les empreintes des défunts, dont les papiers d’identité ne disent rien à personne, à l’Office central pour la répression du banditisme, à Paris. Les fichiers parlent illico: la femme est une ancienne prostituée du nom de Catherine Castagna, tandis que son compagnon n’est autre que le fameux Jacques Grangeon, un complice des braqueurs du non moins fameux gang des Lyonnais. Sous un faux nom, le voyou s’était mis au vert dans le sud de l’Espagne, où il s’était reconverti dans le trafic de cannabis à grande échelle. On apprendra plus tard que son exécution en règle était la conséquence d’un impayé auprès de grossistes de résine. “Des Français assassinés sur fond de trafic de drogue, il y en avait un paquet à l’époque, dans le coin. Le trafic battait son plein. En termes de priorité, cela dépassait carrément la Colombie.”

Society #254

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