Ouf de soulagement collectif. Après deux mois en collé-serré avec leurs enfants, les parents de ce monde peuvent enfin profiter des vraies vacances: la rentrée. Quant aux autres, ceux que l’on appelle les childfree, ils seraient, selon toutes les études, les adultes les plus épanouis du monde actuel. Pourquoi donc? Mais parce que c’est l’évidence, disent-ils.
Le bus filait à travers la vallée des Rois, rapide et virevoltant, conduit de main de maître par un chauffeur qui klaxonnait, comme investi d’une mission vitale: déposer ses passagers à l’heure pour le déjeuner. Mission accomplie. Une fois le frein serré à midi pile sur le parking de l’AMC Royal Hotel d’Hurghada, un monstre touristique haut comme le ciel et large comme l’horizon, Anthony, 28 ans, fut l’un des premiers touristes à descendre du véhicule. Après quatre heures de trajet, son ventre hurlait famine. Il n’avait qu’une envie: s’engouffrer dans un restaurant climatisé et se gaver au buffet de crudités. Il avisa le Blue Lagoon, un self qui sert de tout, situé au sous-sol du complexe. Banco. Anthony pénétra dans l’ascenseur, goûta l’air frais et la propreté immaculée de l’habitacle, commença à se relaxer. Les portes se figèrent et, d’un coup, s’ouvrirent sur la salle de restaurant. Des semaines plus tard, le Français se souvient encore avec précision du “mur de décibels” qui l’a percuté à cet instant. “Je me prends tout dans la tronche en même temps, remet-il. Il doit y avoir 500 personnes, dont la moitié sont des enfants en train de courir. Il y a des doudous par terre, la tonalité est très aiguë, ça me traverse les tympans…”
Malgré sa faim de loup, Anthony quittera le Blue Lagoon sans dessert et, les jours suivants, de peur d’affronter à nouveau la cohue enfantine, préférera s’alimenter de chips et de Coca, avalés en paix directement dans sa chambre. “Je ne déteste pas TOUS les enfants”, précise-t-il. Mais tout de même, “c’est problématique”. La preuve. De retour chez lui à la fin de l’été, il a retrouvé son appartement et ses voisins du dessus, une famille dont l’enfant “court” et “crie quand il ne veut pas aller se coucher”. Le 3 septembre, la veille de la rentrée scolaire, il était 21h quand lui, sa compagne et leurs deux chats ont écouté leurs voisins tenter de réhabituer leur gosse à se coucher tôt. “On entendait la mère gueuler: ‘MAINTENANT, JE COMPTE JUSQU’À CINQ. UN… DEUX… TROIS…’” Il analyse: “C’est tellement pas la vie quej’ai envie d’avoir… Quand je fais la liste des pour et des contre, je vois tous les désavantages à avoir un enfant, mais pas les plus.” Cette somme d’expériences a fini de le convaincre de se faire faire une vasectomie, pour son bien et celui de son couple. Ne pas avoir d’enfant, une idée qui séduisait 5% des Français en 2010, dans la dernière enquête sérieuse réalisée sur le sujet, menée par l’Ined (Institut national d’études démographiques) et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Plus récemment, en 2022, un sondage Ifop pour le magazine Elle estimait que 30% des Françaises entre 18 et 49 ans se disaient concernées par cette “infécondité volontaire”. Pas rien.