
Il y a un peu plus de deux ans, vous étiez l’homme le plus populaire de la droite. Et puis en 2012, en six mois, vous avez tout perdu. Depuis que vous n’êtes plus à Matignon, c’est plus dur… C’est un peu plus compliqué que ça. Ma ‘popularité’ est restée élevée plus longtemps que vous ne le dites. Jusqu’au mois d’août 2013. L’effondrement qui suit, à l’automne, s’explique pour plusieurs raisons. Notamment un papier épouvantable de Valeurs actuelles où ils m’ont mis en scène avec une agressivité exagérée à l’égard de Sarkozy. Du jour au lendemain, les gens se sont dit: ‘Mais, qu’est-ce qui lui arrive? Il a été son Premier ministre pendant cinq ans et d’un coup, il le vomit?’ Et puis, évidemment, le facteur le plus important, ça a été la présidence de l’UMP. J’ai cru qu’on pouvait gagner à la loyale.
Vous pensiez sérieusement que la posture du type honnête suffirait? Et je continue à le penser. L’histoire est loin d’être terminée. Finalement, j’ai gagné, l’UMP a été obligée de changer ses statuts et les équipes qui se sont mal comportées ont dû quitter le parti (Jean-François Copé et ses amis, ndlr).
Copé vous a un peu entraîné dans sa chute… C’est vrai, sans doute. Je connaissais ma famille politique, je savais qu’il pouvait y avoir quelques fédérations un peu ‘caporalisées’, mais je ne pensais pas que ça aurait une telle influence sur le résultat final, j’avais une telle avance! Ensuite, la question s’est posée: est-ce qu’il fallait, à ce moment-là, rompre totalement avec l’UMP? J’avais créé un groupe puissant à l’Assemblée nationale, la majeure partie de mes amis m’auraient suivi. Mais, au dernier moment, nous avons renoncé à franchir le pas, au nom de l’unité de notre famille politique. Aujourd’hui, quand je vois la crise que traversent les deux grands partis politiques, je me dis que j’ai peut-être raté une occasion…

Diriez-vous que vous avez manqué de courage? Non, car il était plus confortable pour moi de m’en aller que de rester. Honnêtement, les deux années qui viennent de s’écouler n’ont pas été agréables. Les agressions, les luttes de clans au sein de votre propre famille, c’est usant. Quitter le parti aurait été plus commode, mais je courais le risque d’être marginalisé. Et aussi celui de me retrouver accusé de la division et donc de l’échec de l’UMP. Beaucoup de gens me demandent pourquoi je ne suis pas parti de Matignon en 2010. C’est compliqué de répondre à cette question. Premièrement, parce que les relations n’étaient pas exactement celles que la presse décrivait. C’est un mélange de complicité et de différences. Sur beaucoup de sujets, je n’ai pas hésité, en réalité, à entamer un bras de fer avec le président de la République. Deuxièmement, j’étais extrêmement populaire au sein de ma majorité durant cinq ans. Il faut se rendre compte de ce que c’est. Vous avez un président de la République pas très populaire et vous, à l’Assemblée nationale, les gens se lèvent dans l’hémicycle à chaque fois que vous prenez la parole, c’est grisant. Vous vous dites: ‘Merde, je ne vais pas m’en aller! Pourquoi je m’en irais?’ Je ne saurai jamais si j’ai eu raison ou tort. À chaque fois, j’ai privilégié –mais c’est mon caractère, aussi– le compromis et la continuité. J’ai passé une grande partie de ma vie politique aux côtés d’un homme, Philippe Séguin, qui était toujours empêtré dans ce type de situations. Il vomissait son parti et tous ses dirigeants. Pourtant, il n’a jamais franchi le pas. Et pire que ça, le jour où il est devenu patron du parti, il a trouvé le moyen de démissionner.
“Aujourd’hui, quand je vois la crise que traversent les deux grands partis politiques, je me dis que j’ai peut-être raté une occasion de créer mon propre parti”