
Elle arrive dans une salle d’archives, compulse des montagnes de documents, ne trouve rien, ou presque rien. À l’exception d’une commande publique passée à un studio dans les années 1920 à d’évidentes fins de propagande, pas un portrait, pas une photo, pas un cliché ne reste aujourd’hui de ce qui fut pourtant l’une des plus révoltantes machines à réprimer de la première moitié du XXe siècle français: les “écoles de préservation”, trois établissements publics installés à Cadillac (Gironde), Doullens (Somme) et Clermont (Oise), actifs de 1895 à 1951. “École de préservation”: une étrange expression pour désigner les endroits où l’on enferma, sans motif judiciaire mais au vague titre de “vagabondage”, des centaines de jeunes femmes mineures dont le seul crime était d’avoir fugué, de s’être rebellées, d’être “déviantes” ou de traîner derrière elles une mauvaise réputation. Qui fallait-il préserver? La société bien sûr, de cette faillite morale qui, sinon, aurait pu faire tache d’huile et se répandre dans le pays. Et les filles elles-mêmes, leur moralité, leur pureté, leur virginité. Il va sans dire qu’à aucune on ne demanda son avis.