
Au cœur de l’hiver dernier, alors que le froid blanchissait la Seine-Maritime, que les prix du gaz et de l’électricité flambaient à mesure de l’enlisement de la guerre en Ukraine, Élodie enfilait un pull sur un autre pull pour s’installer devant son ordinateur sans mourir congelée. Le thermomètre de son salon n’affichait pas plus de 13 degrés, en dépit d’une pompe à chaleur tout juste installée. Élodie voyait alors affluer les demandes d’adhésion pour son nouveau groupe Facebook, Arnaque Éco Énergie. Au même moment, Marco Mouly, l’un des protagonistes de la fameuse fraude à la TVA sur les quotas de carbone, également appelée “le casse du siècle”, recevait Society pour raconter sa nouvelle vie à la sortie de prison. Entre deux discours de rédemption, Mouly rencontrait des installateurs de pompes à chaleur dans ses bureaux enfumés. Il promettait de remédier à l’inquiétude des Français quant aux prix de l’énergie et même d’offrir des milliers d’emplois à des jeunes non diplômés, prêts à travailler pour lui. Mouly hésitait encore: devait-il vendre des “leads” -des fiches de clients potentiels- à des sociétés de rénovation énergétique ou fonder sa propre entreprise? À ses côtés, “David” et “l’Américain”, des commerciaux en doudoune, passaient sans discontinuer des coups de téléphone pour sonder le marché et “clocker” des potentiels clients. L’Américain: “Avec ma tête de Cé-fran, les gens ont confiance en moi.” David: “Il faut viser le Nord et l’Est. Il fait froid et il y a que des débiles.” À la fin de la semaine, Mouly affirmait avoir pris sa décision: il allait inonder la France de pompes à chaleur. Non pas qu’il ait subitement entrepris un virage vert, bien au contraire. Marco Mouly avait tout simplement reniflé l’odeur de l’argent.