Enquête

Cannabis repetita

À rebours de la majorité des pays d'Europe occidentale, et alors même qu'elle affiche le plus grand nombre de consommateurs du continent, la France s'oppose plus que jamais à la dépénalisation du cannabis. Pourquoi? Retour sur dix ans de rendez-vous manqués.
  • Par Joachim Barbier
  • 24 min.
  • Enquête
Illustration pour Cannabis repetita

De manière presque concomitante, un anniversaire célébré sur les terres du nouveau monde et de sinistres enterrements du côté de l’ancien. Le 17 octobre dernier, Justin Trudeau, Premier ministre canadien pas encore démissionnaire, soufflait les bougies sur le réseau X: “À pareille date, il y a six ans, nous avons modifié une loi désuète, privé les criminels de leurs profits et fait de nos communautés des endroits plus sûrs. Nous avons légalisé le cannabis partout au Canada.” Une semaine plus tard, en France, Bruno Retailleau prenait la parole devant les sénateurs après les fusillades de Rennes, Poitiers et Marseille: “Quand on fume du cannabis ou qu’on prend son rail de coke, on est un peu responsable des règlements de comptes.” Le ministre de l’Intérieur annonçait dans la foulée faire de la lutte contre le narcotrafic sa “grande cause nationale”, les mâchoires serrées et avec le même ton martial que son prédécesseur, Gérald Darmanin. Ironie du sort, les deux hommes se retrouvent aujourd’hui à deux postes clés du nouveau gouvernement Bayrou: Intérieur encore pour Retailleau, Justice pour Darmanin. Autant dire qu’aucune inflexion sur le sujet n’est à prévoir pour 2025.
À l’image du Canada il y a six ans, la plupart des pays d’Europe occidentale s’orientent pourtant petit à petit vers une pragmatique sortie de la prohibition du cannabis. Certains, comme l’Allemagne, le Luxembourg ou Malte, ont pris le chemin de la légalisation. Les autres, s’ils n’ont pas franchi ce cap, s’éloignent au moins d’une doctrine de chasse aux consommateurs qui semble, au fil des années, avoir prouvé son inefficacité dans la réduction du trafic et des violences qu’il engendre. Tous les pays sauf un, donc. Un village gaulois qui accumule les morts, les règlements de comptes et les amendes forfaitaires impayées de la part des consommateurs, là où ailleurs, on a admis que ces derniers n’étaient pas des délinquants.

Society #247

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