
23h15. La rue Henri-Faisans est déserte. À travers le pare-brise de la voiture, on aperçoit le caducée d’une pharmacie qui brille dans la nuit. Et puis une enfilade d’immeubles en crépi saumon et coquille d’œuf qui bordent la chaussée. Un peu plus loin, à une vingtaine de mètres, le magasin Mimi Exotique. “Alimentation, produits de beauté, bijoux, vêtements, etc.” peut-on lire sur la devanture. Le silence dans l’habitacle est complet. Pas de lumière non plus, ni phares ni plafonnier. À peine si l’on ose allumer une cigarette. C’est le principe de la planque: discrétion totale. Observées aux jumelles, les lettres jaunes de l’enseigne paraissent dodues, aguichantes. Nul doute qu’elles font de l’œil à celui qui sévit depuis quelques années dans le centre-ville de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Car, ici, les lettres U des commerces ont tendance à disparaître mystérieusement -subtilisées pendant la nuit. Le voleur s’en prend toujours à la même voyelle, et sans logique manifeste: pas de jeu de mots formé par l’escamotage du U, pas de revendication écologique non plus, puisque l’écrasante majorité des enseignes touchées n’étaient pas lumineuses. L’arbitraire apparent des vols fait régner la psychose chez les commerçants de la ville. Chacun se demande, en allant lever le rideau le matin, s’il ne manquera pas une lettre à son enseigne.