
C’est une tragédie qui a 30 ans. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Alexandre Loukachenko en 1994, la Biélorussie s’est recroquevillée sur elle-même. L’ex-république soviétique est paralysée par la main de fer de son dirigeant, accusé de faire disparaître ses opposants, de museler les médias et de recourir à des escadrons de la mort. Le petit pays de neuf millions d’habitants est figé. Jusqu’en 2020, année bizarre et frémissante. L’autocrate, encore une fois candidat à sa réélection, a réveillé des désirs populaires de changement par sa gestion désastreuse de la crise du Covid et ses appels à se soigner de cette “psychose” à grandes lampées de vodka. À l’approche du scrutin, le “dernier dictateur d’Europe” réécrit le scénario des votes passés: les candidats de l’opposition sont envoyés en prison ou disqualifiés et forcés à l’exil, et plus d’un millier d’activistes sont arrêtés. Quasi miraculeusement, Sviatlana Tsikhanouskaïa, la compagne du blogueur Siarhieï Tsikhanouski – incarcéré deux jours après l’annonce de sa candidature–, passe entre les mailles de la purge. Jugée inoffensive par le pouvoir après avoir pris le relais de son mari, elle survit aux arrestations et aux coups montés jusqu’à accéder à l’élection présidentielle du 9 août, portée par une ferveur contestataire inédite.