Grosse commission

La grosse commission

Pour les députés et les sénateurs, c'est the new place to be. Retransmises à la télévision depuis 2006, les commissions d'enquête parlementaires, qui ont vu leurs audiences décuplées par les réseaux sociaux, se multiplient et portent désormais sur des sujets allant du fret ferroviaire à Uber en passant par CNews et la TNT. Signe de vitalité démocratique? Ou tribune facile pour élus en manque de buzz et de notoriété?
  • Par Ronan Boscher et Marc Hervez
  • 16 min.
  • Enquête
Illustration pour La grosse commission
AFP – ALAIN JOCARD / Arthur N. ORCHARD

L’image puise sa source dans la révolution mexicaine de 1910, quand Emiliano Zapata et Pancho Villa décidèrent de garnir les rangs de leur infanterie de paysans sans compétences militaires reconnues, mais gratifiés illico de grades et d’insignes pour récompenser leur engagement. “L’armée mexicaine”, c’est par cette expression que le député LFI Aurélien Saintoul a qualifié le large contingent de fantassins sous la bannière du groupe Canal+ venus répondre, à la fin de l’hiver, aux questions de la commission d’enquête parlementaire (CEP) dont il est l’initiateur et le rapporteur, celle portant sur “l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la TNT”.

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AFP / BERTRAND GUAY
Un comparatif dans lequel Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+, a décelé “un manque de respect mutuel et d’impartialité des travaux” en introduction de son audition du 29 février. Ce n’était qu’un avant-goût des divers échanges d’amabilités et du grand n’importe quoi qui ont jalonné les entretiens de cette CEP jusqu’à la fin du mois de mars. Pêle-mêle: le clan insoumis qui reproche aux têtes d’affiche de CNews le positionnement éditorial de leurs émissions ; Pascal Praud qui rétorque à ses inquisiteurs qu’ils sont les bienvenus mais que ce sont eux qui refusent ses invitations ; les députés RN qui, par symétrie, réclament que l’on cuisine les équipes de l’émission Quotidien (TMC) sur leur manque de pluralisme ; Sébastien Chenu qui demande à Yann Barthès de dévoiler son salaire ; Cyril Hanouna qui “attend le procès de Louis Boyard” et rappelle qu’à “16h30, c’est l’heure du goûter” pour signifier qu’il a suffisamment consacré de son temps aux gens qui l’ont convoqué ; ou encore Vincent Bolloré qui raconte l’avortement de son ex-femme et va jusqu’à invoquer un “droit du fœtus à naître” sans être repris par le député macroniste Quentin Bataillon, le seul habilité à le faire, de par son statut de président. Lequel, enfin, ira mettre un point d’exclamation à ce cirque chez le plus grand clown de France. Le 2 avril dernier, Bataillon est en effet présent sur le plateau de Touche pas à mon poste! pour débriefer cette séquence politico-médiatique un peu folle de quatre semaines. Autrement dit, il donne le change à un animateur qu’il a lui-même convoqué et entendu, alors que la commission d’enquête dont il a la responsabilité n’a pas encore livré son épilogue. Tout sourire et peu embarrassé par la distance que requiert sa fonction, le député de la Loire y recevra comme cadeau de bienvenue un t-shirt à message de la part de Baba (“C’est l’heure du goûter!” évidemment) et y rhabillera ses confrères de LFI ainsi que Yann Barthès pour le printemps.
Illustration pour ENQUÊTE – La grosse commission – 2 ( Society n°230 – du 8 au 22 mai 2024 )
AFP - Alain Jocard / Arthur N. Orchard

Society #230

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