Phénomène

La rue Kétamine

La kétamine, connue pour être un anesthésique -notamment pour les chevaux–, est aujourd'hui partout: dans les soirées, dans le sang d'Elon Musk ou dans les armoires à pharmacie, prescrite par des thérapeutes. L'occasion de réviser votre pharmacologie, en 26 leçons.
  • Par Victor le Grand / Illustrations: Stefan Glerum pour Society
  • 17 min.
  • Enquête
Illustration pour PHÉNOMÈNE – LA RUE KÉTAMINE – 1 ( Society n° 253 – du 10 au 23 avril 2025 )

ANESTHÉSIQUE.

En plus d’être détournée à des fins récréatives, la kétamine est surtout utilisée en chirurgie vétérinaire -c’est notamment l’agent d’anesthésie générale le plus employé pour endormir les chevaux. Elle est également administrée à des humains pour des opérations de courte durée, puisque contrairement aux autres anesthésiques généraux, la kétamine induit un état dissociatif, dans lequel le ou la patient(e) semble éveillé(e) mais est insensible à la douleur et apparaît déconnecté(e) de son environnement. Par exemple, elle est très utile pour effectuer des réductions de fracture ou soigner des grands brûlés.

Un personnage est contorsionné en forme de chiffre "3", avec une expression faciale exagérée et des éléments graphiques comme des éclairs et des bulles autour de sa tête.

BAD TRIP.

Chaque drogue a son revers de médaille. Celui de la kétamine a son propre nom: le “K-hole ”, qui se manifeste généralement par un état de dissociation intense, une sorte d’intermédiaire entre l’ivresse et le coma, qui provoque l’impression que l’esprit se retrouve séparé du corps. Julien, 36 ans, qui travaille dans la pub, se souvient encore parfaitement de son K-hole . C’était il y a une dizaine d’années, en Angleterre. “Avec mes colocs, on regardait, pour le délire, un live de Pink Floyd à la télé en ayant pris de la kétamine, quand -alors que je ne pensais pas en avoir abusé- j’ai senti une vague de chaleur, et j’ai réellement eu l’impression de tomber dans un trou. Ça a dû durer une heure, même si pour moi, c’était interminable. J’ai cru que j’allais rester comme ça pour toujours. Horrible, vraiment! Je n’en ai plus jamais repris depuis.” Anaïs, professeure de lettres, 36 ans également, prend un soir de la kétamine dans une maison de vacances avec piscine, quand, après quelques minutes, elle commence à perdre le fil de la “réalité” et du “temps”, ne se souvient plus de ce qu’elle a ingéré ni en quelle quantité. Arrivent alors les hallucinations: “J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu des sortes de dauphins tout noirs, qui faisaient très peur, sortir de la piscine pour m’attaquer… Je me suis réfugiée dans une chambre, sous un lit, en attendant que ça passe -assez vite, heureusement.” Pour Alexandre, étudiant de 25 ans, le premier et dernier K-hole date d’il y a quelques mois. Pour lui, en revanche, ce fut une bénédiction. “Ça a changé ma vie , dit-il. Ça m’a permis de comprendre que mes moments les plus heureux, je les avais passés avec une fille. Peu de temps après, je me suis remis avec elle. J’ai vécu ça comme une expérience spirituelle, une prise de conscience.”

Society #253

À lire aussi

Abonnez-vous à Society+ dès 4.90€

Des centaines de docus à streamer.
7 jours gratuits !