
Chaque année, début mai, des nuances de kaki viennent s’ajouter à la palette de vert des bosquets, gazons, chênes et autres tilleuls du jardin du château du Taillis, à Duclair. Des Jeep, des scooters Cushman, des véhicules amphibiens, des tentes militaires et quelque 400 personnes réunies par l’envie de se plonger, le temps d’un week-end, dans le passé. La “fête de la Libération” est l’une des grand-messes des passionnés d’histoire martiale depuis 2005 en Normandie. Florian Joly, casquette d’officier de la Wehrmacht vissée sur la tête, ne louperait cela pour rien au monde. Assis sur une chaise dans une grange en pagaille, entre des boîtes en bois de rations de combat, des caleçons longs qui sèchent et une boîte de pastilles Vichy rouillée, il consulte une carte du bocage normand.
Déjà 24 heures que ce jeune trentenaire mange et dort “histo”. “Hier soir, au menu, c’était soupe à l’oignon et saucisse.” Car au camp de Duclair, on fait tout comme avant. La reconstitution est garantie sans anachronismes. Les filtres sont enlevés des cigarettes, le tabac se fume dans des pipes, on dort sur de la paille. Sur les cinq hectares du jardin, s’étalent également un poste de communication, une infirmerie, une chapelle de fortune, un drapeau nazi. Nicolas Navarro, organisateur de l’événement, propose des spectacles de reconstitution lors desquels des amateurs munis d’armes d’époque factices, noyés sous les effets pyrotechniques et les fumigènes, rejouent l’opération Overlord et la bataille des Haies, où les soldats se sont battus “de manière héroïque”, narre la voix off. Amoncelés devant la scène, un champ pentu derrière le château, quelques centaines de spectateurs assistent, ce week-end de mai, à ces “véritables scènes de guerre”. “Est-ce qu’il y en a qui feront semblant d’être morts?” demande une petite fille sur les épaules de son père. “Dehors les schleus!” scande un autre. “On emporte le public dans une immersion totale”, se félicite Théo, 23 ans, l’un des participants. Cet habitué de reconstitutions historiques tient à préciser: lui et ses amis ne jouent pas à la guerre. Au contraire: “On le fait avec sérieux, on transmet leur histoire et on rend hommage à ces héros.”