Crime

Les mystères de Monique Olivier

Elle a été l’épouse de Michel Fourniret et sa complice dans de nombreux enlèvements, viols et meurtres de jeunes femmes. Depuis la mort du tueur en série en mai dernier, Monique Olivier est aussi celle vers qui se tournent, désormais, les derniers espoirs de vérité
  • Par Hélène Coutard et Lucas Duvernet-Coppola
  • 33 min.
  • Enquête
Un collage artistique représentant un visage en noir et blanc avec des déchirures révélant des images rouges en dessous, incluant des bâtiments, des visages, des armes et des policiers.
Illustrations : Julien Langendorff pour Society d'après AFP / David Martin / Yves Boucau / Éric Gaillard - MaxPPP / Julien Warmand

La première fois, elle se réfugie chez un voisin, sans rien dire à personne. Son mari signale sa disparition à la gendarmerie et part à sa recherche. Il s’inquiète un peu, pas trop: il la retrouve deux jours plus tard. Sur le chemin du retour, il insiste pour qu’ils retirent ensemble son signalement, qu’elle dise aux gendarmes sa vérité à lui: elle est partie après un chagrin d’amour, avant de réaliser son erreur et de se raviser. La deuxième tentative, peu après, semble plus aboutie. Cette fois, elle a son fils et une valise sous le bras. Elle veut monter dans un train, n’importe lequel. Son époux l’intercepte à la gare. Il la rabroue. Elle obtempère. Après quoi Monique Olivier et Michel Fourniret rentrent chez eux. Ensemble. C’est l’année 1995 et le couple, marié depuis six ans, est installé à Sart-Custinne, en Belgique, où sa vie paraît banale. Que reste-t-il de ce 28 juillet 1989, elle, tailleur noir, lui, costume bleu ciel, où ils se sont dit “oui”? Un petit garçon de 7 ans, Selim, d’un côté  ; plusieurs jeunes filles mortes de l’autre. Lors des assassinats, Monique Olivier a tout vu, tout entendu. Elle est complice, au moins jusqu’en novembre 1990. Pourquoi a-t-elle voulu s’échapper deux fois ensuite? Voulait-elle dénoncer son mari? Ou bien seulement le quitter et emporter ses secrets le plus loin possible? Toutes ces questions mènent à une autre, que tout le monde se pose: a-t‑elle été manipulée, manipulatrice, ou simplement passive? Monique Olivier ne donnera jamais d’explication. Une chose est néanmoins certaine: sa deuxième tentative de fuite sera la dernière.

 Huit ans plus tard, le 26 juin 2003, à 16h55, des policiers s’arrêtent devant le 18 rue Vencimont, à Sart-Custinne. Ils soupçonnent le propriétaire de la Citroën C25 immatriculée BMP 967 d’avoir tenté d’enlever une jeune fille en début d’après-midi à Ciney, 50 kilomètres au nord. Le relevé de la plaque leur a donné le nom d’un Français, Michel Fourniret, et l’adresse devant laquelle ils se trouvent, où leur suspect vit avec femme et enfant depuis 1991. En cette fin d’après-midi, les policiers pénètrent dans une maison encore déserte. “C’est un capharnaüm”, remarque le commissaire Fagnart, qui n’a pas le temps de retranscrire ses premières impressions: Madame Fourniret revient justement avec son fils. Fagnart lui signale l’arrestation de son époux, et le motif. Elle, se rappelle-t-il, ne montre “absolument aucune réaction”. Les enquêteurs, eux, prennent l’affaire au sérieux car la victime a déjà parlé. Marie‑Ascension Sangwe, 13 ans, a raconté à la police locale comment un homme se présentant comme un “professeur de dessin” s’est arrêté devant elle, vers 14h, pour lui demander le chemin de l’école, lui a dit “tais-toi, sinon je te frappe”, l’a ligotée, et lui a aussi dit: “Je suis pire que Dutroux.” Elle est parvenue à défaire ses liens et à descendre à un stop par la porte arrière de la camionnette, à l’insu de son bourreau. Une automobiliste l’a trouvée au bord de la route, avant de croiser la camionnette du ravisseur qui faisait demi-tour pour récupérer sa victime. La conductrice a eu le réflexe de noter la plaque et de foncer au commissariat le plus proche. La police n’a qu’à cueillir Fourniret au volant de son fourgon. Marie‑Ascension Sangwe le reconnaît formellement. Fourniret nie tout lors de sa garde à vue, mais est placé en détention provisoire le temps d’y voir plus clair. Cela peut durer un an au maximum. Monique Olivier est laissée libre, mais les policiers fédéraux peuvent l’interroger autant de fois qu’ils le jugent nécessaire.

Society #162

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