
À la clinique Saint-Vincent, il n’y a pas de partage d’honoraires entre les anesthésistes. Les revenus de chaque médecin dépendent de ses activités, et toutes ne se valent pas. Le fait de participer à une opération en orthopédie est bien plus rémunérateur qu’en chirurgie viscérale. Une bonne gestion du planning est donc décisive, pour éviter que certains se plaignent à la fin du mois d’avoir fait moins d’ortho que d’autres. Le rythme de travail est en tout cas éreintant pour tout le monde. Les anesthésistes sont en général présents de 6h30 à 19h30, cinq jours sur sept, sans compter les astreintes le week-end et les prémédications le dimanche soir pour les opérations du lundi matin.
Il n’est donc pas rare qu’ils travaillent dix jours d’affilée, ce qui a naturellement des conséquences sur leur vie de famille. Leurs salaires sont conséquents, mais chaque anesthésiste reverse une partie de ses revenus à une société civile de moyens (SCM), qui paie les frais liés aux locaux, notamment l’électricité, et rémunère certains membres du personnel, dont les secrétaires et les infirmier(e)s anesthésistes. Là encore, un tel fonctionnement peut créer des remous, soit entre les médecins, qui peuvent estimer payer plus de charges que certains de leurs collègues, soit entre les médecins et la direction. C’est précisément ce qu’il se passe à la fin du printemps 2008. À ce moment-là, Frédéric Péchier, en poste depuis quatre ans, se plaint de la dégradation de ses conditions de travail. De fait, le directeur de l’établissement cherche à réduire drastiquement les budgets et refuse notamment de prendre en charge l’embauche d’un infirmier anesthésiste, considérant que c’est à la SCM de le salarier. Ce genre de conflit, banal, se résout généralement sans trop de heurts. Pourtant, le 19 juin 2008, lors d’une réunion avec la direction, le ton monte. Frédéric Péchier annonce en grande pompe son intention de démissionner. Son départ, prévient-il, sera effectif le 31 décembre.
Épisode suivant : L'étrange cas du docteur Péchier