
LE 29 juillet 2018, au milieu de la nuit poitevine, alors que même les lucioles étaient endormies, quelque chose se glissa dans le lit de Damien Véron. Lové dans les draps en coton de son étroit appartement du vieux Poitiers, il ne vit rien, ne sentit rien. Fait plus étonnant, il n’entendit rien non plus, alors que son ouïe hypersensible est d’habitude du genre à ne pas supporter le bruit des motos lorsqu’il est à la terrasse d’un café. Quelques minutes plus tôt, il avait ouvert les yeux en sursaut dans la pénombre. En sueur, réveillé par un “flash”: cette étrange impression, tapie là, dans ses entrailles, que quelqu’un qu’il connaissait était en danger. Damien pensa immédiatement à sa sœur, Tiphaine, partie au Japon trois jours plus tôt pour un voyage de trois semaines en solitaire. À 1h24, il consulta la météo de Nikko, le village à trois heures de train au nord de Tokyo où elle avait posé ses bagages, et lui envoya un message sur le groupe WhatsApp familial créé pour l’occasion, “L’union des chats”: “Fais bien attention chatoune, un typhon va toucher le Japon ce dimanche, si tu as prévu des sorties à l’extérieur, annule.” Puis, comme on raconte une histoire aux enfants après un cauchemar, Damien pensa à Dieu, fit une prière et s’assoupit. La chose en profita pour se glisser sous ses draps. Lentement, elle l’enserra de ses bras spectraux, aussi fort qu’elle le pouvait sans le réveiller, et passa la main sur son profil d’idole hollywoodienne. Bientôt, ils allaient apprendre à vivre ensemble. Ce nouveau compagnon de route était parti pour s’installer durablement, sans pour autant payer de loyer ni mettre son nom sur la boîte aux lettres: cette nuit-là, dans l’obscurité de sa chambre à coucher, Damien Véron fit connaissance avec le doute.