
Le 6 septembre, la matinée de Zaïd al-Hilli commence comme toutes les autres, devant le programme Breakfast News de la BBC. L’information principale du jour porte sur le meurtre d’une “famille britannique” dans les Alpes françaises. En finissant de se préparer pour aller travailler, Zaïd imagine alors une famille dans tout ce qu’elle a de plus britannique, “des Robinson ou n’importe quel autre nom typiquement anglais”. Son emploi a moins de relief que celui de son frère Saad, de trois ans son cadet: il est comptable dans un club de golf d’une banlieue chic de Londres. À 13h50, Zaïd al-Hilli a terminé sa pause déjeuner et discute avec des collègues au deuxième étage du bâtiment, quand son téléphone sonne. Le numéro d’un ami s’affiche sur l’écran. Ce dernier n’a pas vraiment de raison de l’appeler. La veille, ils ont partagé un fish and chips et une glace, et les deux hommes n’ont pas l’habitude d’échanger tous les jours. Au téléphone, son interlocuteur lui apprend que sa femme vient de voir passer l’information: la “famille britannique” tuée dans les Alpes s’appelle al-Hilli. “Ça ne peut pas être eux”, doute Zaïd. Qu’est-ce que son frère aurait fait en France alors que l’école a déjà commencé en Angleterre et que ses nièces devraient avoir fait leur rentrée? En vérité, il n’en a aucune idée: Zaïd et Saad, brouillés, ne se sont pas parlé depuis près d’un an. “Je suis parti tout de suite au poste de police le plus proche pour avoir une confirmation”, se souvient-il. Les policiers sont pris au dépourvu. “Ils m’ont dit ‘On viendra vous voir’, et sont revenus vers 15h. Là, j’ai su que c’était eux.”