
Dans un bruit sourd, le 4×4 glisse sur l’asphalte rendu molletonneux par la neige. Au volant, Valery, coupe militaire, yeux clairs, physique plutôt trapu et sportif, mène son Land Cruiser comme il discute: avec aplomb et sans jamais douter de rien. Conduite assurée, ton dynamique, il raconte comment il a récemment contacté les autorités pour qu’elles rénovent la rue qui tombait en ruine, dévorée par les nids-de-poule. Quand, soudain, il pile net. Brusquement, le véhicule s’arrête pour marquer le feu rouge que Valery n’avait pas vu venir, tout embarqué dans son récit. Ce qui fait à peine réagir Nikolaï, installé à l’arrière, la tête engoncée dans son bonnet aux couleurs de la Russie. Nikolaï a l’air aussi apathique que son binôme paraît entreprenant. Il sourit, un peu pâteux, comme s’il venait de se réveiller d’un rêve -ou était-ce un cauchemar? Et demande, comme pour en être sûr: “Vous êtes vraiment venue de France pour nous rencontrer? C’est marrant, en plus, aujourd’hui, le 19 janvier, c’est le jour de naissance d’Yvonne Calment, la fille de Jeanne, et aussi celui de son décès. Enfin, celui de sa mère…” Après quoi il se renfrogne à nouveau, tandis que la banlieue de Romashkovo, à l’ouest de Moscou, file par la fenêtre.