
Ils sont une quinzaine de personnes -une enfant, quelques adolescents, des adultes- à avoir investi les bancs de la salle des comparutions immédiates du tribunal judiciaire de Saint-Omer. À quelques encablures des fêtes de fin d’année, ce 22 décembre, tous sont venus soutenir les prévenus du jour, Kaner T., 35 ans, et Bayram T., 42 ans, deux Kurdes de Turquie accusés d’être des passeurs de migrants. À l’extrémité du box des prévenus, une petite femme rondelette aux cheveux châtains attachés en queue-de-cheval regarde ses pieds. Ex-petite amie de Kaner T., elle aussi est kurde de Turquie. Mais à elle, personne ne parle. Son fils, qui réside à Bordeaux, n’a pas pu faire le déplacement. Ozden A., 37 ans, est accusée des mêmes faits que les deux autres prévenus, ce qui en fait l’une des rares femmes passeuses de migrants en France. “La particularité de ce dossier, c’est que cette filière s’est spécialisée dans le passage de femmes et d’enfants, analyse la procureure Khadija El-Mahjoubi. Ce qui nous mène à penser que vous êtes la tête pensante, puisque vous êtes vous-même une femme et que vous hébergiez les migrants.” Les policiers soupçonnent les trois prévenus d’avoir monté une filière d’immigration clandestine en bande organisée de la Turquie jusqu’aux plages du Nord. En garde à vue, Ozden A. est la seule à avoir reconnu la majorité des faits: une vingtaine de passages au Royaume-Uni via les camions qui traversent l’Eurotunnel ou les small boats qui partent des plages de la Côte d’Opale.