
Encore cadette, tu as été championne du monde junior. Puis, junior, tu fais 2e des Mondiaux élite derrière Jeannie Longo et devant Maria Canins. Et pour ta première saison élite, en 1990, tu gagnes les cinq principales courses à étapes et les deux titres majeurs du calendrier. Une razzia que même Merckx n’a pas réalisée. Parle-nous de la petite Cathy Marsal, la cannibale de 19 ans. Bah je vis chez mes parents, à la ferme, je n’ai pas eu d’adolescence, je suis la sixième –et la première fille– d’une fratrie de huit, avec des frères qui ne peuvent pas me blairer et qui m’appellent ‘Mémère’. Sérieusement, cette année 90 s’est faite dans la torture, quoi. Mon père ne voulait pas m’emmener à Charles-de-Gaulle pour aller au Tour du Texas, par exemple. ‘Pourquoi aller là-bas? De toute manière, tu gagneras jamais.’ Bon, en y repensant maintenant, quand je suis rentrée du Japon en étant championne du monde, je l’ai quand même vu sourire. ‘Ah, là, je m’incline un peu.’ L’hiver qui suit, je suis dans un trip à ne vouloir que deux choses: perdre toujours plus de poids et rouler toujours plus de bornes. Alors mon père me crie dessus, veut que je mange des patates rôties tous les midis et menace de cadenasser mon vélo pour que je ne sorte pas rouler quand il neige. Au point qu’un jour, ma mère me supplie à genoux: ‘S’il te plaît, trouve un autre endroit pour vivre. Pars, j’en peux plus.’ Elle faisait le tampon. Dix jours après, j’achète un appartement à Metz. J’ai juste un sofa pour dormir et une télé sur une caisse. J’attends la subvention du conseil de Moselle pour le meubler. Voilà, en gros, ma dix-neuvième année.