
La moisissure semble être la plus vieille occupante ici. L’hiver, ce deux-pièces mezzanine de l’antique quartier juif de Damas ressemble à une cave: murs en pierre qui suintent, fenêtre de la taille d’un trou de souris, et le froid, constant. Un frigo où dort une pile de cassettes audio des années 1980, coincées entre des livres. Les spécialistes vous le diront, les bandes magnétiques sont sensibles à l’humidité. Par miracle, celles-ci sont restées quasi intactes. L’épaisseur des pages a fait office d’étuve. Yamen Mekdad, 34 ans, n’a qu’à les glisser dans son lecteur pour leur redonner vie. Vérifier que la poussière ne s’est pas infiltrée dans les boîtiers -certains sont fendus. Rien à signaler. Les têtes de lecture sont bien positionnées ; régler le son sur l’ordinateur. Play.
Face A. Démarre un halo sourd, ce bruit de fond caractéristique des vieux enregistrements. La voix d’une femme se lance. Une complainte profonde, et puis le synthétiseur se met en action, ça tourne dans tous les sens. D’après Yamen Mekdad, la performance est celle d’une chanteuse de mariage, dans les années 1970. Une gloire anonyme qui offrait ses services dans la Badiya, le désert syrien. Les bouclettes des cheveux du jeune homme bougent en rythme. La musique est bonne. “C‘est pas génial? Sincèrement, vous avez déjà entendu un truc pareil?”