

Jacques Chirac vs Édouard Balladur
La rivalité mère de toutes les haines à droite. Longtemps, Jacques Chirac s’est persuadé que son ami depuis 30 ans ne pouvait pas le trahir, avant de se rendre à l’évidence: celui qu’il a laissé aller à Matignon en 1993 compte bien se présenter contre lui à la présidentielle de 1995. Et peu importe s’il n’a pas l’aval du RPR, Balladur pense avoir mieux dans son jeu: l’opinion publique, qui soutient ses réformes ; et l’essentiel de son gouvernement, à savoir Léotard, Bayrou, Pasqua, Fillon, Barnier, Perben, et surtout Sarkozy, qui était pourtant un pion important du dispositif de Chirac peu de temps avant. Un enchaînement de hautes trahisons mal vécues dans un clan qui, au cœur de l’hiver précédant l’élection, voit son retard s’accumuler dans les sondages et ne compte plus ses membres que sur les doigts d’une main. Il y a Séguin, Juppé, Toubon, Douste-Blazy et Madelin, assistés de quelques rookies -Copé, Saint-Sernin, Muselier, Jacob, et Baroin, à qui Sarkozy dira, bombant le torse: “Baroin, la route est longue, mais la tienne va bientôt s’arrêter.” Erreur. En quelques semaines, tout s’inverse, Chirac impose le thème de la “fracture sociale”, récupère le momentum et l’emporte. Les traces de sang ne s’effaceront jamais vraiment. En mai, après la victoire, Baroin est nommé porte-parole du gouvernement Juppé, tandis que Sarkozy entame une traversée du désert. Édouard Balladur, lui, ne sera plus jamais ministre. Les traîtres balladuriens seront combattus par le parti aux législatives de 1997, tandis que leur chef de file verra plus tard l’affaire Karachi, liée au financement de sa campagne, lui revenir comme un boomerang en pleine face.

Nicolas Sarkozy vs Dominique de Villepin
Chiraquiens contre balladuriens, la suite. C’est peut-être la plus belle scène de la vie politique française des années 2000: le 3 septembre 2005, Dominique de Villepin, polo trempé de sueur, cheveux au vent, termine son footing sur le sable de la plage de La Baule avant de plonger dans l’océan devant la presse, pendant que Nicolas Sarkozy l’attend, agacé, sur la terrasse de l’Eden Beach, un café d’à côté. Les images feront le tour du pays. Les deux hommes, qui se détestent et visent chacun la présidentielle de 2007, se tirent en réalité la bourre depuis 1994. Le premier était alors directeur de cabinet de Juppé au Quai d’Orsay, et le second, jeune ministre du Budget. Un contrôle fiscal qui visait le père de De Villepin -à l’époque sénateur des Français de l’étranger- et dont Sarkozy aurait été l’incitateur, selon son rival, serait à l’origine de la brouille. Ensuite, ce sera la guerre atomique dans les différents gouvernements du second mandat de Jacques Chirac, avant que De Villepin se prenne les pieds dans le tapis du CPE et de l’affaire Clearstream. Cet affrontement est aussi un choc stylistique et oratoire, dont il restera quelques saillies. Comme celle-ci, du petit hargneux: “Vous avez voulu me bouffer, maintenant c’est moi qui suis là, en face de vous. Et vous me trouverez toujours sur votre route.” Ou bien celle-là, du cérébral: “Nicolas n’a pas l’étoffe d’un homme d’État. Parce qu’il n’a pas de labyrinthe intérieur. […] Avec Sarkozy, tout est là, sur la table, en libre-service.” Devinez qui a gagné!