Qu'est-ce qui a poussé plus de 20 000 personnes à se réunir le 2 juin dernier devant le tribunal de grande instance de Paris, en pleine crise sanitaire? Il y a un contexte, l'appel de la famille d'Adama Traoré, la mort de George Floyd outre-Atlantique et l'effet catalyseur des réseaux sociaux. Mais il y a aussi une addition d'histoires personnelles, d'expériences du racisme “ordinaire” et de relations conflictuelles avec la police qui ont transformé, à la manière de #MeToo avant lui, ce mouvement en lame de fond. Dix participants à la manifestation racontent.
Par Lucas Duvernet-Coppola, Zoé Gourvennec, Raphaël Malkin et Vincent Riou - Photos: Julien Lienard
“Mon style vestimentaire, je l’ai construit pour ne pas me faire arrêter”
Photos : Julien Lienard pour Society
Massaër Ndiaye, 35 ans, directeur de création associé
“Je suis né à Villepinte, dans le 93, de parents sénégalais. Mon père était prof de droit, ma mère experte-comptable. Après ma naissance, ils ont décidé de retourner au Sénégal et je suis revenu après le bac, je me suis installé à Paris.
Les choses ne sont pas flagrantes. Personne ne m’a jamais dit ‘sale nègre’, mais tu réalises vite qu’un Noir devra en faire plus. À la rentrée, à la fac, on te dit qu’il va y avoir 20% de réussite, et si t’es un jeune noir en jogging, t’es déjà une caillera, catalogué dans cette voie de garage. Il y a aussi parfois de la fausse gentillesse mal placée, on te dit: ‘Va voir ce prof, il vient de Villetaneuse, il pourra être un peu moins exigeant.’