
En janvier, deux ans après avoir reçu un Fauve spécial du jury pour Animan, vous avez remporté le Grand Prix du Festival d’Angoulême pour l’ensemble de votre œuvre. Comment ça s’est passé? Ça s’est fait en deux fois. Environ un mois avant, on m’a dit que je faisais partie des trois sélectionnées. Je ne m’y attendais pas du tout ; cette année, je n’avais même pas prévu d’aller à Angoulême. Je n’avais rien sorti récemment. Ducky Coco, ça faisait plus d’un an. Le Festival d’Angoulême est un événement où il y a vraiment beaucoup de choses à découvrir, avec une richesse aussi dans le off ; en revanche, il y a beaucoup de monde et c’est fatigant. Il y a aussi une frustration de croiser des amis et de ne pas pouvoir passer du temps avec eux car on n’a le temps de rien, on est toujours entre deux rendez-vous. Mais bon, j’étais ravie d’être dans la sélection! Aussi parce qu’on était trois femmes (les deux autres finalistes étaient Alison Bechdel et Catherine Meurisse, ndlr). Et puis une semaine avant le festival, ils m’ont appelée pour me dire que c’était moi. J’étais trop contente. C’est énorme.
Est-ce qu’un prix comme celui-là génère une peur de décevoir derrière? En fait, c’est plutôt l’inverse. Je me sens plus détendue. C’est comme si j’avais atteint une sorte de sommet. Enfin, je ne me suis jamais dit que je visais ce prix-là. Je ne peux pas dire ‘C’est bon, je peux m’arrêter’. En même temps, ça te met un coup de vieux, aussi. C’est le prix d’une carrière, en fait. Qu’est-ce qu’il reste après ça? Je peux faire du crochet chez moi… Mais la réussite, c’est quoi? C’est juste être heureux dans la vie, et c’est déjà pas mal. Je me sens heureuse en ce moment. Pas grâce au prix, ça date d’avant. Je suis bien.
Pourquoi? La stabilité de couple, déjà. Et puis, j’ai eu des soucis de santé qui m’ont gâché la vie pendant 25 ans, et maintenant, je ne les ai plus. Je n’ai plus de douleurs chroniques, je me sens mieux.
Vous aviez mal en dessinant? Non, mais je peux en parler maintenant, il y a beaucoup de femmes qui en souffrent: j’ai eu une endométriose sévère. Ça m’a bien gâché la vie. J’ai toujours une fragilité, car j’ai une atteinte digestive, il faut que je fasse gaffe à ce que je mange, mais rien à voir avec ce que je vivais avant. Il y a des jours où je ne pouvais pas travailler. Pendant mes règles, j’étais au lit pendant trois, quatre jours. Et la douleur, ce n’était pas que pendant les règles, c’était tout le temps.