
Quand vous avez reçu le prix du Livre Inter, votre première réaction a été la surprise, parce qu’Un perdant magnifique serait, avez-vous dit, ‘un petit livre, qui n’aborde pas un sujet de société’. Oui, c’est un petit roman. Moi, j’étais tranquille, j’étais sûre de ne pas avoir le prix. Vous voyez, j’étais chez moi, pas du tout prête à ressortir le dimanche soir. Mais en même temps, il y a des personnes qui viennent me parler depuis la parution du livre et qui me disent qu’elles ont connu quelqu’un comme ça. Souvent des femmes, qui me disent: ‘Ce personnage ressemble à mon père.’ Et on sent chez elles quelque chose de douloureux, mais aussi parfois une envie de prendre la défense de ce genre de personnes.
Pour le dire vite, Un perdant magnifique raconte l’histoire d’un homme qui impose ses folies à sa famille. Vous en avez rencontré, vous, des personnages de ce type? Oui, j’en ai même rencontré pas mal. Ce sont des personnes avec qui la vie est très difficile, très pénible, parce qu’elles sont perpétuellement dans l’excès. Mais malgré cela, moi aussi j’ai éprouvé une sorte de gratitude envers elles, parce que ce sont aussi souvent des personnes qui prennent beaucoup de risques, y compris pour elles-mêmes. Je trouvais que j’avais une façon de vivre pusillanime, et qu’il y avait, à l’inverse, une certaine générosité à être comme ça, dans la dépense tous azimuts. Il y a indéniablement un côté où la vie est plus forte quand on les fréquente. On vit un cran au-dessus.