Entretien

“La pandémie actuelle est une préface”

Dès 1990, dans City of Quartz, l'historien Mike Davis décrivait Los Angeles comme une bombe à retardement, deux ans avant que des émeutes n'éclatent dans la ville. En 2005, dans The Monster at Our Door, un livre sur la grippe aviaire, il pointait déjà du doigt certains dysfonctionnements mis en exergue aujourd'hui. Et pour l'avenir?
Illustration pour “La pandémie actuelle est une préface”
Dr
  • Par Anthony Mansuy
  • 8 min.
  • Interview

En 2005, vous avez publié un livre sur la grippe aviaire et nos systèmes de protection, qui selon vous ne permettaient pas du tout de régler la question des pandémies. Comment en étiez-vous arrivé à ces conclusions? J’étais allé à Genève interroger des gens de l’OMS, et un thème avait vite émergé: l’incapacité fondamentale de l’industrie pharmaceutique à fournir les médicaments de première nécessité, les antiviraux, les antibactériens et les vaccins pour gérer d’éventuelles nouvelles pandémies. L’exemple que je prends dans le livre, c’est qu’après l’épidémie de SRAS en 2003, deux vaccins étaient en cours de développement. Depuis, faute de financements, ils croupissent dans les frigos de deux instituts de recherche universitaires aux États-Unis. Ces vaccins pourraient être d’une valeur inestimable aujourd’hui, grâce au principe d’immunité croisée (puisque tout comme le Covid-19, le SRAS était un coronavirus, ndlr). Mais cette industrie est à 100% tournée vers le profit. Les grandes sociétés pharmaceutiques dépensent bien plus en marketing qu’en recherche et développement et se contentent de racheter le fruit des recherches menées par des boîtes plus petites. Ces entreprises veulent des projections à long terme, donc elles développent des tranquillisants, des médicaments pour le cœur ou pour les dysfonctions érectiles pour des vieillards comme moi. Elles préfèrent extraire des rentes en pressant leurs brevets comme des citrons et, par conséquent, sont un obstacle à nos capacités à réagir rapidement aux épidémies.

Dossier coronavirus

Society #131

À lire aussi

Abonnez-vous à Society+ dès 4.90€

Des centaines de docus à streamer.
7 jours gratuits !