Entretien

“La première grande victoire des femmes, c'est la contraception”

En juin 1954, Ginette et Claude Bac, jeunes et sans histoires, sont jugés pour avoir laissé mourir, par manque de soins, leur bébé de 8 mois, leur quatrième enfant en quatre ans. Ils sont condamnés à sept ans de prison. Cette affaire oubliée sera le point de départ du long combat pour la légalisation de la contraception, que les historiennes Danièle Voldman et Annette Wieviorka racontent aujourd'hui dans un livre, Tristes grossesses.
Illustration pour “La première grande victoire des femmes, c’est la contraception”
AFP
  • Par Emmanuelle Andreani
  • 10 min.
  • Interview

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre?
Annette Wieviorka: Dans ma biographie du couple Thorez, Maurice et Jeannette (lui a été secrétaire général du Parti communiste français de 1930 à 1964, ndlr), j’ai consacré un chapitre aux choses du sexe et notamment à cet épisode de 1956 où, avec l’arrivée à la Chambre du Front républicain, il aurait été possible de voter la suppression des deux articles de la loi de 1920 qui interdisaient la propagande et la vente des produits anticonceptionnels. Le Parti communiste a alors eu une position identique à celle des catholiques: il s’y est opposé. Pour écrire ce chapitre, j’ai tout lu sur le sujet. L’affaire des époux Bac y était évoquée de façon approximative. J’ai donc proposé à Danièle, qui avait consacré un ouvrage à un fait divers (La Garçonne et l’Assassin , avec Fabrice Virgili, ndlr ), de faire équipe pour éclairer cette histoire.
Danièle Voldman: Ce qui s’est avéré plus compliqué que prévu. Le dossier du procès, avec notamment les pièces de l’instruction, avait été égaré dans les archives départementales des Yvelines. Nous avons donc enquêté d’abord sans ce document majeur dans divers endroits auxquels nous n’aurions pas forcément pensé. Ainsi au cimetière de Saint-Ouen, où est enterrée Ginette avec un jeune homme -qui est en fait un fils qu’elle a eu plus tard avec un homme qui n’était pas son époux. Grâce aux documents d’état civil également, nous avons pu remonter le fil de cette histoire familiale.

Society #99

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