
Dans la rue et sur certains campus, comme celui de l’université Tsinghua à Pékin, on a vu des affiches traitant le président Xi Jinping d’‘abruti’ ou des slogans appelant à sa démission. Ce sont des actes que l’on pensait inimaginables en Chine. Comment les expliquer? Ce n’est pas un mouvement organisé et spécifiquement étudiant. C’est un mécontentement général qui exprime un ras-le-bol. Les gens disent: ‘Je n’en peux plus des mesures qui limitent la liberté.’ Ils n’ont pas de vie normale depuis trois ans. Selon moi, ce n’est pas un appel à un changement de régime ou à la fin du parti unique, c’est plutôt la contestation d’un contrôle, d’une répression, d’une surveillance et d’une censure excessifs, ainsi que d’une diminution de la liberté de mouvement. En Chine, depuis 20 ans, une vaste classe moyenne s’est constituée et elle veut continuer à sortir, consommer, acheter, s’amuser, aller dans les bars. Appartenir à la classe moyenne, c’est un style de vie, et les Chinois y tiennent. Au début de la pandémie, ils ont accepté de faire des efforts au nom de la lutte nationale contre le Covid. Aujourd’hui, cette lutte est décrédibilisée parce que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les autres gouvernements s’en sortent mieux que la Chine. Ce qui était accepté la première année avec diligence et un sens civique ne l’est plus. Le régime est allé trop loin dans le contrôle et l’autoritarisme. Xi Jinping l’a compris: sans se désavouer, il faut qu’il lâche du lest. S’il n’octroie pas de respiration dans la vie quotidienne des Chinois, il va y avoir une contestation plus profonde de son leadership.