
Les résultats des européennes et des législatives ont montré une carte électorale qui n’avait jamais semblé aussi distinctement coupée en deux entre, d’un côté, quelques grandes métropoles, et de l’autre, le reste du territoire, dit rural. Cela accrédite-t-il la thèse de la fameuse ‘fracture territoriale’? Je ne suis pas un grand partisan de cette approche. Même si je reconnais bien sûr des dynamiques d’implantation propres à certains territoires et qu’il est toujours intéressant d’analyser plus finement les choses au regard de leurs spécificités, ‘spatialiser’ le vote, c’est selon moi occulter des enjeux sociaux beaucoup plus forts en matière d’inégalités et de différences de classes, comme si le fait d’habiter quelque part suffisait à orienter le vote. C’est d’ailleurs sans doute pour ça que le discours autour de ces ‘fractures territoriales’ fonctionne autant dans la classe politique: parce qu’il permet justement de dépolitiser tout un ensemble de sujets. Des études récentes, d’Olivier Bouba-Olga notamment, montrent en réalité que le fait d’habiter à la ville ou à la campagne n’intervient que marginalement dans l’explication du vote, à la différence de la catégorie sociale, du niveau de diplôme ou du décile de revenus, par exemple. Autrement dit, on ne vote pas seulement RN parce qu’on est rural, mais disons qu’on a plus de chances d’être rural si on appartient aux classes populaires.