Entretien

“Les guignols sont devenus des alternatives désirables”

L’essayiste et journaliste Naomi Klein chronique depuis 25 ans les crises qui traversent nos sociétés. Pour son dernier livre, Le Double, elle a plongé dans les niches de l'Amérique animées par la paranoïa, la haine et les superstitions. Et alors que son ouvrage sort en France, les principaux scénaristes de ce monde farfelu viennent justement d'arriver au pouvoir, avec, entre autres, la réélection de Trump et la nomination de Robert F. Kennedy Jr. au ministère de la Santé. Autant le dire d'emblée: Naomi Klein est en colère.
  • Par Anthony Mansuy
  • 12 min.
  • Interview
Illustration pour “Les guignols sont devenus des alternatives désirables”
Photos : Kamil Bialous

Depuis la réélection de Trump, les démocrates semblent accuser le monde entier, sauf eux-mêmes, pour justifier leur défaite. Quelle explication tient la corde, selon vous? Trump a gagné environ un million d’électeurs, les démocrates en ont perdu près de neuf. Ce qui m’inquiète, c’est que Trump a diversifié sa base d’électeurs en matière d’origines et d’âge, et il consolide chez les travailleurs et les membres de la classe moyenne inférieure. Les démocrates, eux, sont tellement coupés de leur base qu’ils n’ont pas su comprendre le niveau de colère à leur endroit ni jauger la défiance de certains immigrés ‘légaux’ à l’égard des nouveaux migrants (lire Les enfants du Bronx ont voté Donald Trump, ndlr). De plus, Harris n’a rien offert à ses électeurs. Sur tous les sujets, sauf l’avortement, c’était du charabia. Par exemple, elle a dit qu’elle créerait une ‘économie des opportunités’. Mon fils de 12 ans m’a demandé ce que cela voulait dire et je n’ai pas su quoi répondre. Et puis il était évident qu’il s’agissait d’un cycle électoral de ‘changement’, tous les sondages le montraient depuis des mois, comme en France et au Royaume-Uni juste avant.

Society #245

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