Votre livre, Résister à la culpabilisation: Sur quelques empêchements d’exister, débute par ces mots: ‘J’ai commencé à entendre la voix dans ma tête il y a environ huit ans.’ Cette voix, elle disait quoi? Elle était très agressive, très malveillante et elle m’attaquait de manière disproportionnée. Même pour une petite maladresse, elle m’insultait. Si je faisais quelque chose, elle me le reprochait, mais si j’avais fait le choix inverse, elle me l’aurait reproché aussi! Je ne pouvais pas gagner face à cette voix. Ça m’a amenée à soupçonner qu’en fait, elle me reprochait d’exister, plus ou moins. Ça m’a interpellée. C’était un moment dans ma vie où je recommençais à habiter seule parce que je m’étais séparée peu de temps avant, et cet isolement s’est encore accru il y a deux ans, quand j’ai arrêté d’être salariée (elle était depuis 2016 cheffe d’édition au Monde diplomatique, ndlr). Le fait de me retrouver à travailler seule chez moi, ça a rendu la présence de la voix beaucoup plus évidente. J’ai été confrontée à toutes sortes de doutes liés à cette nouvelle liberté: est-ce que je la mérite vraiment ; est-ce que j’en suis capable? Longtemps, j’avais un compagnon extrêmement bienveillant, qui me rassurait beaucoup sur mes capacités et ma valeur. C’est toujours appréciable d’avoir quelqu’un qui joue ce rôle-là, mais c’est quand même un problème de s’apercevoir que dès qu’on se retrouve seule, on se dit des choses horribles.