
Tu vis ici, à Barcelone? Non, plus maintenant, ma copine a lâché son appartement, on n’a plus que le mien, à Paris. Mais je pense qu’on va en reprendre un ici. Ça me manque, les allers-retours, vivre entre les deux. Je suis tombée amoureuse de la ville dès la première fois où je suis venue. Après, une fois que t’es là, il y a plein de choses qui te donnent envie de rester. Ici, et autour. Notamment la féministe basque. La féministe basque, c’est une lueur d’espoir pour nous tous. Elle est pas fragile. Elle est même parfois un peu trop hard-core pour moi.
Tu étais donc en France lorsque le mouvement des Gilets jaunes est apparu. Ton ressenti là-dessus, c’est quoi? Je suis toujours contente quand il y a une disruption. J’aime l’idée que les gens soient dans la rue quand les lois qui passent cherchent à les écraser. On sait que ces lois ne sont pas bonnes, que les décisions ne sont pas justes, et on sait que cette politique ne marche nulle part, que partout elle fait triompher l’extrême droite. Ça faisait longtemps que les gens n’avaient pas dit: ‘On arrête les conneries’, et là, ils l’ont dit très clairement. Qu’ils l’aient dit en province et à Paris, en plus, je trouve ça important. C’est la prise de parole des oubliés. Dès que tu sors de Paris, des grandes villes, tu le sens qu’il y a un truc. Je vais souvent à Bourges, ma mère habite près de Lille, j’ai pas mal de famille dans la Meuse… tu sens que ça a changé. Que c’est pire qu’il y a 20 ans. Donc cette révolte, c’est bien. Après, la présence de l’extrême droite dans la rue, la façon dont elle tire parti de tout ça, le fait de voir se côtoyer fascistes assumés et gauche radicale… c’est difficile de penser que c’est anodin et de voir ça comme une bonne nouvelle. Je comprends que les situations sont différentes selon les régions –quand tu parles avec des gens de Toulouse, par exemple, ils ne te donnent pas l’impression d’imaginer que pactiser avec l’extrême droite est une option–, mais à Paris, la dérive est stupéfiante.