L’histoire a la main moite. Presque flasque. Et la mine grisâtre. Julian Assange est debout, dans l’embrasure d’une porte de l’ambassade équatorienne à Londres. Debout dans sa prison. “Je vais me chercher un café”, glisse-t-il, dans un filet de voix à peine audible. Il repart comme un fantôme. Trois ans déjà que le fondateur de WikiLeaks hante les lieux de sa présence. Trois ans qu’il vit dans 19 mètres carrés, les fenêtres barricadées pour échapper à la surveillance des dizaines de policiers et agents du MI6 postés jour et nuit à l’extérieur, prêts à l’intercepter en cas de tentative de fuite. Sous le coup d’une enquête préliminaire de la justice suédoise pour suspicion de “viol mineur” (une charge dont la condamnation maximum, s’il était inculpé, serait de quatre ans), l’Australien n’a cessé de plaider son innocence et d’inviter la procureure en charge de l’affaire à l’auditionner à Londres. Il a également proposé un interrogatoire en vidéo-conférence plutôt que de se rendre en Suède, de crainte que ce ne soit qu’une correspondance vers les États-Unis, où un Grand Jury rassemble sous scellés des preuves contre lui et d’autres membres de WikiLeaks. La menace est assez claire: finir sa vie derrière les barreaux, comme le lanceur d’alerte Bradley-Chelsea Manning, supposée source d’Assange, condamné à 35 ans de prison. Plutôt que de courir le risque, Julian Assange a préféré se plonger dans une vie sédentaire entre les quatre murs de sa cellule équatorienne, sans soleil, sans air frais. Mais sans menottes, libre d’agir et de poursuivre ses combats de toujours: la dissection de l’empire américain et de ses méthodes, la lutte contre le secret d’État et pour la protection de la vie privée des faibles.
