
En 2011, quand elle tournait Wadjda dans les rues de Riyad, Haifaa al-Mansour était le plus souvent cachée dans un van. Accroupie à l’arrière, talkie-walkie à la main, elle dirigeait ses acteurs sans les voir et donnait des ordres à des techniciens à qui elle n’avait officiellement pas le droit de parler. Par l’étroite fenêtre de cette camionnette quelconque, elle n’apercevait qu’un bout de ciel. “Première réalisatrice saoudienne”, Haifaa al-Mansour était en train d’écrire l’histoire. Et elle le faisait de dos. La faute à son statut de femme, interdite de travailler avec des hommes en public. Plusieurs fois, pendant le tournage, Al-Mansour craque: elle ne peut réaliser un film les yeux bandés. Alors elle réajuste son voile sur ses cheveux, tire violemment la porte du van et piétine jusqu’au plateau pour expliquer avec des gestes, des mots, des regards. Une fois le message passé, elle retourne dans son van, ferme la portière. Et se retrouve à nouveau dans le noir. Sept ans plus tard, quand Al-Mansour revient en Arabie saoudite pour tourner The Perfect Candidate (sorti en France en août dernier), la scène se répète, mais cette fois pour son personnage principal. Dans le film, Maryam, jeune docteure d’une petite ville saoudienne, se présente par erreur aux élections municipales (les femmes ont le droit de se présenter aux élections locales depuis 2015), puis décide finalement de faire campagne. Comme elle n’a pas le droit de s’adresser à des hommes qui ne sont pas de sa famille, elle tente de tenir un meeting politique via webcam en réunissant un petit groupe d’hommes sous une tente et en se tenant dans celle d’à côté. Ils se moquent, ne l’écoutent pas, alors Maryam craque et fait irruption sous leur tente, l’air féroce. Certains partent scandalisés, d’autres l’écoutent.