
“Et pourquoi je n’essaierais pas, moi aussi?” Début mars, la question obsède l’Américain Preston Estep. Reclus dans sa maison de Boston, impuissant face à la flambée épidémique, au décompte des morts et à l’angoisse des mois à venir, le généticien se la pose en boucle, jusque sur l’oreiller. Il finit par se tourner vers sa femme, biologiste à Harvard. “Tu sais, je pense que ce serait très facile de faire un vaccin contre le Covid-19.” Moue sceptique. Cela paraît fou mais à ce stade, plus grand-chose ne semble obéir aux lois de la raison. Alors pourquoi pas lui, en effet? Des chercheurs chinois n’ont-ils pas rendu publique la séquence génétique du virus, le 10 janvier?
Les experts du gouvernement américain annoncent un vaccin d’ici douze à 18 mois. Une éternité, s’alarme Preston Estep. Il ne travaille pas dans un grand laboratoire, mais il est tout de même un biologiste spécialisé dans la génétique, diplômé d’Harvard. Il veut se joindre à la lutte contre la pandémie, sauver l’humanité, faire sa place dans l’histoire. Sans attendre, il envoie un mail à ses “accointances professionnelles”. Des confrères tentent de tempérer son enthousiasme. “Ce n’est peut-être pas très sage”, lui disent-ils. Ou: “Impossible, laisse ça à d’autres.” Mais une poignée d’entre eux sont harponnés: “J’en suis. Qu’est-ce que tu proposes?” Le biologiste déroule son projet: un vaccin “citoyen”, accessible à tous, dont la recette serait publiée en libre accès, que l’on pourrait fabriquer dans sa cuisine et s’administrer soi-même. Autrement dit, un vaccin fait maison ou, en anglais, do it yourself (DIY). Les semaines suivantes, le Dr Estep s’installe dans la salle à manger et se met à éplucher tout ce que la littérature scientifique a produit sur les projets de vaccin contre le Covid-19. Douze heures par jour, sept jours par semaine.