
Passé le seuil des dix minutes, le supplice s’est étendu aux bras. La douleur s’est répandue lentement, comme un poison remontant les veines. À sa grande surprise, elle est partie du tendon d’Achille, là où ses jambes croisées agrippent le rondin. Elle a atteint le bassin, puis le torse, a franchi les omoplates, infesté les biceps. Désormais, elle sclérose ses phalanges. Dix minutes seulement ; ses muscles hurlent comme s’il était pendu là depuis des jours. Bientôt, il ne sera plus qu’une crampe humaine, pétrifié par l’une des épreuves les plus dures de Koh-Lanta, celle dite des “cochons pendus” ou des “paresseux”, qui consiste à rester accroché(e) le plus longtemps possible à un tronc d’arbre placé à l’horizontale. Sauf qu’Anthony n’est pas vraiment sur TF1 ni même sur une plage au beau milieu du Pacifique, mais dans son jardin, à Annecy, à 20 centimètres au-dessus du sol. Par terre, la pelouse en plastique est parsemée de copeaux de bambous, reliquats de ses nombreuses tentatives –réussies– visant à faire du feu à partir de cotons démaquillants. Un voisin fume une clope en le regardant depuis son balcon. Anthony continue de s’accrocher, les yeux rivés sur son chrono. Le sang lui monte à la tête. Il ferme les yeux. Dix minutes. Tenir.