
Il est à peine 6h, le 25 mai 2014, lorsqu’un camion de pompiers freine en urgence devant le 3 rue du Lavoir-Carteret, à Saint-Loup-sur-Aujon. Une vieille maison en pierres de taille est en flammes. Les pompiers fracturent le portail, lance à incendie au poing. Il n’y a plus grand-chose à sauver, la bâtisse a brûlé toute la nuit. Les propriétaires des lieux sont en train de boire un verre de rouge à Bordeaux avec des amis lorsque, quelques heures plus tard, le téléphone sonne. C’est la gendarmerie au bout du fil. Laurence et Christian Pétrakis se regardent, sans savoir quoi se dire. Tout s’effondre. Il y a quinze ans, ces Parisiens avaient acheté l’ancien relais de diligence du village et s’étaient afférés depuis à en faire l’endroit idéal où vieillir ensemble. “C’est pas que la maison, c’est le cœur qui est parti en fumée”, disent-ils aujourd’hui. Laurence s’était chargée de la décoration –salle à manger rouge, poutres dorées–, du jardin japonais et du potager. Des petits pois, de la rhubarbe, des plantes aromatiques rares, des arbres fruitiers. Petit à petit, c’était même devenu leur résidence principale. Ils y passaient quatre jours par semaine, du jeudi au lundi. Les Pétrakis avaient laissé tout ce qu’ils aimaient à Saint-Loup: un tapis kazakh acheté chez Chapuisat à Londres, une statue de Diane, déesse de la Chasse, une mosaïque persane chinée à Tours, des tableaux expressionnistes allemands. Mais aussi deux tableaux de maître signés: une esquisse cubisante de Picasso et une nature morte de Braque. Aux gendarmes, les Pétrakis posent deux questions: “Qui? Et pourquoi?” Pas de réponse, mais un indice. Au milieu des décombres, une boîte de chocolats a échappé aux flammes. Sur celle-ci: une tâche de sang encore frais.