
L’enregistrement des passagers de la croisière débute à midi mais ils patientent déjà nombreux et en silence à l’ouverture du check-in. Une colonne de peaux diaphanes recouvertes de voiles noirs. Des centaines de mètres de t-shirts Slipknot, Pantera, Death Angel, Disturbed, Iron Maiden ou Motörhead. Et puis la même distance en tatouages, en christs agonisant sur la croix, en elfes sanguinaires, en zombies en voie de putréfaction. Et autant de bermudas camouflage. À la sortie des portiques de sécurité et du scan des bagages, un gars en kilt est menotté pour avoir essayé d’introduire quelques grammes de marijuana. Un autre se fait confisquer son bang soigneusement empaqueté dans du film plastique. Pour le reste, c’est une foule de satanistes dociles et disciplinés qui s’apprête à prendre la mer. Seul détonne Martin, un Allemand barbu comme un personnage du Seigneur des anneaux habillé d’une cotte de mailles portée à même la peau et d’un bonnet de père Noël. Il sort titubant d’un taxi, sous le regard placide d’un shérif du Broward County et se met à hurler, sous la forme d’un défi lancé par un vampire au soleil d’hiver de la Floride: “I kill the sun!” Dans l’attente, la rumeur se répand de groupe en groupe. Il y aurait, paraît-il, soixante nationalités représentées dans la foule prête à embarquer sur le Liberty of the Seas (“la Liberté des mers”), sur le quai 25 de Port Everglades, à Fort Lauderdale.
Il se met à hurler, sous la forme d’un défi lancé par un vampire au soleil d’hiver de la Floride: “I kill the sun!”