
Après avoir rempli une bouteille d’eau, embrassé ses parents, négocié contre 100 shekels une place pour lui, sa femme et leurs trois enfants sur une charrette tirée par un âne et avoir pris la route de la frontière en compagnie d’une “rivière de gens munis de drapeaux blancs”, le voici déjà à l’arrêt, à treize kilomètres seulement de son point de départ. Un tank et des sacs de sable barrent la route. Devant le checkpoint, un soldat israélien désigne des gens en criant.
“Le jeune homme avec le sac en plastique bleu et la veste jaune: pose tout et viens ici.”
Ce n’est pas lui.
“L’homme aux cheveux blancs et avec un garçon dans ses bras: laisse tout et viens ici.”
Toujours pas lui.
“Le jeune homme avec le sac à dos noir et qui porte un garçon roux: pose le garçon et viens vers moi.”
C’est lui.
Il pose son fils, sort du rang et rejoint un autre groupe d’hommes, à genoux dans le sable. Une voix au mégaphone leur ordonne de se déshabiller. Dans les jours qui suivront, il sera interrogé, menotté, insulté, mis en joue, frappé à l’estomac et au visage, attaché à une chaise, aura les yeux bandés. On lui demandera de prouver qu’il n’est pas un membre du Hamas.
Jusqu’au troisième jour, quand un autre soldat lui rend finalement ses affaires et prononce les paroles suivantes: “Désolé pour l’erreur. Tu peux rentrer chez toi.”