
“Ça commence comme ça: une image apparaît dans mon esprit, immobile, comme une photographie. Et ensuite, mon travail consiste à regarder cette image jusqu’à ce qu’elle bouge.” Dans le cas de L’Échange , son nouveau livre, l’image qu’Eugenia Almeida avait en tête était celle d’une femme dans la rue, avec un trou dans la poitrine, une arme à la main, et des gens autour qui la regardent. On est en pleine journée, la femme vient de se tuer au vu de tous. Pourquoi? Plusieurs années de travail et quelques centaines de pages plus tard, après que les choses se sont mises à bouger, le point d’arrivée est le même que dans chaque livre de l’écrivaine argentine: la dictature militaire qui ensanglanta son pays entre 1976 et 1983, les dizaines de milliers de morts, les exilés, les bébés enlevés, les “disparus”, les tortionnaires en lunettes de soleil et mains gantées. Le passé qui revient toujours, même quand on ne le cherche pas, même 40 ans après.