
Comme sur Tinder, les profils défilent sans fin. Il y a LallyZ*, un barbu fêtard propriétaire d’un chien miniature, ou Cleo37*, “une oreille attentive” fan du R&B des années 1990. Le choix s’arrêtera finalement sur Ana*, 42 ans, qui aime les livres et les vieux films. Lui demander ses tarifs donne l’effet désagréable de négocier une passe, mais Ana est décontractée. Le rendez-vous est fixé dans un café de Belleville, à Paris. Le jour J, en pleine canicule, la quadragénaire y patiente devant un gâteau au chocolat. Après quelques secondes d’appréhension (son compagnon s’inquiétait de la voir finir découpée en morceaux), suivent deux heures et demie de bavardages ininterrompus. Un peu fauchée, Ana a demandé à ChatGPT comment gagner de l’argent facilement ; entre deux conseils sur les cryptos, l’IA lui a suggéré de se louer en tant qu’amie -ce qu’elle a trouvé un peu bizarre, mais pas suffisamment pour ne pas le faire. Elle dit être une amie de qualité, à la conversation facile. Elle pense que la Bretagne est surcotée et que Philippe Poutou devrait être président. Elle adore les voyages en train de nuit et les contes horrifiques de Mariana Enríquez. En bonus, elle distribue quelques conseils en astrologie et un tas d’anecdotes sur le centre pénitencier où elle travaille. Coût de ces deux heures agréables comme une bière fraîche en été: 67 euros. Quarante euros transmis en liquide au début du rendez-vous, 10 euros les deux lattes glacés et 17 euros de frais d’abonnement mensuel à RentAFriend (“Loue un(e) ami(e)”), la plateforme américaine où Ana se propose à la location.