Bilan

Obama
Tout ça pour ça?

À quelques mois de la fin de son double mandat, la question s’ouvre enfin: que restera-t-il de Barack Obama et de ses huit ans passés à la tête de la première puissance mondiale? L’écrivain américain David Samuels, qui a observé le président de près, au point d’écrire cet article depuis la Maison‑Blanche, tire la conclusion suivante: malgré les meilleures intentions du monde, Barack Obama aura fait la même erreur que son prédécesseur, George W. Bush, en croyant que ce qui est bon pour l’Amérique est bon pour la planète entière. Démonstration.
  • Par David Samuels
  • 29 min.
  • Portrait
Un homme en costume se tient devant une fenêtre, regardant à l'extérieur. Il est dans une pièce avec un drapeau américain et des photos encadrées sur une table.
photos: Pete Souza / White House

Difficile, après neuf années d’exposition et de confusion médiatique, de se souvenir que Barack Obama n’est pas un homme politique comme les autres. Il n’a rien à voir avec ses pairs. Et si chacun s’est fait une opinion sur lui, personne ne semble véritablement le cerner –ni percevoir à quel point il a changé le pays. Un phénomène dont Les Rêves de mon père, sa première autobiographie, posent les bases en le présentant comme l’incarnation d’une nation qui n’a pourtant jamais réussi à l’appréhender dans toute sa complexité. De fait, les électeurs ont tendance à le cataloguer selon des critères simplistes –certains ne retenant de lui que sa couleur de peau, son slogan “Hope and Change” ou la règle qu’il s’est fixée de ne pas jouer au con, d’autres le réduisant à un citoyen du monde ou à un activiste infiltré, d’autres encore ne voyant en lui que le fils d’un Kenyan et d’une hippie, élevé en Indonésie puis passé par une école privée réputée de Hawaï, ou bien le mari, le père de deux enfants, le propriétaire de chien, le sportif discipliné, le fumeur invétéré, et cætera.

Dresser le portrait d’un peuple à travers le destin d’un individu constitue le principal ressort narratif du mythe américain, depuis les écrits puritains des Pères fondateurs Samuel Bradford et John Winthrop, jusqu’aux mémoires de Benjamin Franklin et de Frederick Douglass, en passant par les romans d’Ernest Hemingway, de F. Scott Fitzgerald, sans oublier les westerns de John Ford ou le film Shining. Le roman national qu’Obama cherche à rédiger, lui, s’inscrit dans la continuité de la science-fiction des années 1950 –ce qui explique l’accueil que lui a réservé la génération née à la même époque– et des mouvements freaks auxquels elle a donné naissance la décennie suivante, tous unis autour de figures morales supérieures, autoritaires et prophétiques, qui libéraient leurs camarades de leurs inhibitions par la force implacable de leur acuité et de leur sagesse. Obama est un digne héritier du genre, qui a muté pour gagner en virulence et délivrer son message à l’ensemble de la population américaine, voire à l’humanité entière. En témoignent les similitudes entre les citations ci-après –les premières tirées d’En terre étrangère, classique de science-fiction écrit par Robert Heinlein, et les secondes, en italique, imputables à Obama:

“J’ai voulu tendre la main à l’humanité… Mais elle n’a pas voulu la prendre.”
“J’ai compris que sans tribune pour défendre mes convictions, je serais toujours relégué en marge de la société.”

“Il ne suffit pas de vouloir le bien pour faire le bien. Il faut aussi du bon sens, de la détermination et du sang-froid.”
“On ne peut compter que sur soi-même, et ne se fier qu’à son jugement.”

“Les religions s’opposent en tous points, sauf en celui-ci: elles donnent toutes la force de rire.”
“Sur l’étagère, des exemplaires de la Bible, du Coran et de la Bhagavad-Gita côtoyaient des livres sur les mythologies grecque, scandinave et africaine.”

Society #26

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