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Les championnats du monde de cache-cache, qui en sont à leur septième édition, ont attiré plus de 320 concurrents répartis en 64 équipes dans le village de Consonno, situé sur les hauteurs du lac de Côme. La compétition s'est déroulée dans un champ d'herbe riche en cachettes, allant de ballons gonflables à des fagots de bois, en passant par du mobilier de salon.
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Chaque équipe compte cinq membres, qui évoluent à tour de rôle lors de chaque manche. Originaire de la région, Vasco a réussi à faire sponsoriser ses coéquipiers par le prestigieux site Pornhub. “Je suis devenu myope à force de mater leur site, avance ce barman de 43 ans, alors quand on leur a demandé, ils ont tout de suite accepté.” De quoi défoncer tout le monde.
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Venus d'Aix en Provence sur un coup de tête, Quentin, Valentin, Gauthier, Brice et Steve sont les Sneaky Frenchy. À défaut d'être particulièrement sportifs, ils comptent sur leur sang-froid pour triompher. “J'ai vu l'évènement passer sur Facebook et ça m'a fait délirer. C'est bien parce que mes potes sont assez cons pour dire oui à ce genre de trucs”, raconte Gauthier, en faisant la quête pour aller acheter de la vodka. “Pas de panique, on reste des compétiteurs.”
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Armé de son impeccable tenue camouflage, il fait partie des concurrents les plus en vue de ces championnats. “Je suis imbattable dans les fourrés”, se vante Marco, qui enchaîne les perfs depuis le matin. Grand enfant dans l'âme, ce commercial italien de 42 ans n'est pas venu faire de la figuration, sous les yeux de sa fille de 5 ans. “Elle aimerait bien jouer mais cette fois, c'est au tour des grands , assène ce spécialiste de l'infiltration, qui brille d'habitude au paintball. On va pas se mentir, pour une fois, c'est sympa d'échanger les rôles.”
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Ils se baladent en caleçon, leurs skis sous le bras, réchauffés par le soleil italien, comme s'ils étaient en quête de leur troisième étoile à Saint-Lary. Eux, ce sont les Los Cannecidos, une des équipes les plus sympathiques du tournoi. Entre deux bières, leur leader, Enrico, annonce la couleur : “On était déjà présents l'année dernière à Bergame. On a été éliminés rapidement mais on a accumulé de l'expérience. Cette fois, on vise un seul objectif : le titre de champions du monde.”
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Originaires de Lyon et de Paris, les Bien à vous font partie des cinq équipes françaises engagées dans la compétition, les autres équipes étrangères venant de Suisse, de Belgique et des États-Unis. “C'est génial, le cache-cache, ça fait remonter trop de souvenirs d'enfance. Tu retrouves l'excitation de ne pas être trouvé, c'est le stress permanent”, s'enthousiasme Alice, tout en encourageant Lidia, cachée derrière une baignoire, qui hésite à se lancer. “Il faut sentir le bon moment. Nous, on y va au feeling, on est très intuitives, complète Prisca. Les mecs arrivent comme des bourrins mais il faut un minimum de technique. C'est la supériorité des filles sur les garçons.”
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Avant de commencer, les concurrents doivent s'affronter dans une épreuve originale : le lancer de carte bleue. “C'est symbolique, c'est une première étape vers la liberté”, décrypte Giorgio Moratti, à la fois poète et organisateur de l'évènement. Un peu comme à la pétanque, les concurrents doivent lancer leur moyen de paiement le plus près possible d'une bouée, placée à quelques mètres. A la fin, les mieux placés peuvent choisir en premier leur couleur de maillot. “C'est décisif pour la suite des évènements” analyse Giorgio : “c'est sûr qu'il vaut mieux obtenir le vert foncé que le jaune fluo”
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Il est 11h ce samedi 4 septembre, et la compétition commence. Chaque manche met aux prises seize adversaires issus d'équipes différentes. Tous doivent tromper la vigilance d'un attrapeur neutre qui garde la bouée. Les concurrents disposent d'une minute pour se cacher, pas une seconde de plus.
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Le premier à toucher la bouée sans être vu obtient seize points, le second quinze points et ainsi de suite selon un système dégressif. Mais attention : une fois repéré par l'attrapeur, le concurrent n'a plus le choix : il faut foncer le plus vite possible, en espérant toucher au but avant le chercheur, ce qui n'est pas chose aisée.
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Concrètement, l'ambiance est plus proche d'Intervilles que d'un cache-cache traditionnel. “C'est plus télégénique, et puis c'est beaucoup plus intéressant à regarder pour le public, explique Giorgio, qui espère voir la discipline aux JO dans les années à venir. On veut faire reconnaître ce sport à l'échelle internationale. Ce championnat, ce n'est qu'une étape vers quelque chose de plus grand, j'en suis persuadé.”
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Sur le terrain, les tactiques diffèrent : les concurrents à la traîne ou les amoureux du risque préfèrent se cacher près de la bouée, pour tenter de marquer le maximum de points. D'autres se planquent plus loin pour ne pas se faire griller et minimiser ainsi les chances de zéro.
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Âgés de 22 à 34 ans, les attrapeurs ont la particularité d'être les anciens champions du monde 2014 de la discipline. Reconnaissables à leur maillot blanc et rouge, Enrico, Massimo, Matteo, Dario et Michele évoluent tous à Lumezzane, un club de rugby de seconde division italienne. “C'est plus dur de chercher que de se cacher, mais c'est encore plus rigolo, témoigne Enrico, qui n'hésite jamais à faire admirer son torse épilé entre deux bières. Il faut une super condition physique, car à force de faire des allers-retours tu finis complètement mort.”
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“À Consonno, c'est toujours la fête”, ou bien encore “À Consonno, tout est merveilleux”. Sur la route qui mène au village, de nombreux panneaux rouillés rappellent le passé sulfureux de la ville fantôme, connue au milieu des années 60 comme le “Las Vegas italien”. Construit en 1965 par le comte Mario Bagno, le complexe touristique a subitement fermé ses portes en 1972, à cause d'un glissement de terrain.
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“C'était un endroit incroyable, témoigne Giovanni Zardoni, un passionné d'histoire locale, en marchant d'un pas hésitant entre les bâtiments désolés, envahis par les ronces. C'est difficile à croire maintenant, mais les gens venaient par milliers ici pour s'amuser chaque week-end.” Bars, discothèques et hôtels dernier cri étaient à la disposition du public lombard, venu s'encanailler dans un décor néo-kitsch. À sa grande époque, le village était reconnaissable à son minaret, encadré par une pagode chinoise et un sphinx égyptien.
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Il ne reste plus rien de Consonno aujourd'hui. Laissé à l'abandon par le comte, l'ancien complexe touristique déficitaire n'est plus qu'un amas de ruines et de vitres brisées. L'hôtel situé au milieu du village a un temps fait office de maison de retraite, avant que les lieux ne soient définitivement ravagés en 2007 par une rave party de grande ampleur, qui a laissé une trace psychédélique sur les murs de la cité.
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Dans le village fantôme, la nature a repris ses droits. Même les lampadaires sont envahis par la végétation. “On ne pouvait pas rêver d'un meilleur endroit pour organiser un championnat de cache-cache”, se félicite Giorgio, qui a boosté l'affluence à la compétition grâce à ce coup marketing.
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La sympathique Barbara Fumagaldi est à la tête des Amis de Consonno, une association qui se bat pour la préservation des lieux. “Nous avons dit oui tout de suite à la proposition de Giorgio, assure-t-elle, tout en montrant des clichés surannés du petit village, riche de 300 habitants avant l'arrivée du comte Bagno. Notre objectif est de faire revivre la ville, c'est pourquoi nous organisons de multiples évènements. Bizarrement, ce championnat du monde de cache-cache nous rend visibles !”
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Le tableau des scores, où sont notés les points de chaque équipe. Sur les 64 équipes inscrites, seules les 20 meilleures accèdent à la finale du lendemain.
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Au milieu des bouteilles d'alcool vides et des gueules de bois, c'est le début de la grande finale, qui se joue en quinze manches. Surmotivé, un candidat entre dans l'arène, sous les vivas de la foule et les encouragements de ses bourreaux.
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Avant chaque levée, un arbitre explique les règles –parfois fluctuantes– aux participants réunis autour de la bouée. Sur le terrain, le rôle des arbitres est essentiel : ils ont pour mission de juger qui touche en premier en cas de litige, et surtout de notifier leur élimination aux concurrents grillés à distance.
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Toute la journée, les runs s'enchaînent dans une atmosphère survoltée. Pour célébrer l'élimination des concurrents partis trop tôt, les rugbymen réalisent des saltos ou des figures en sautant sur la bouée. Sans pitié.
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Cocorico ! Au terme d'une finale d'anthologie, ce sont finalement les Sneaky Frenchy qui décrochent le titre, à la surprise générale ! “J'y crois pas, on avait plus de 50 points de retard il y a quelques heures, et maintenant on est champions !” savoure Gauthier, en enlaçant Brice, auteur d'un dernier sprint digne de Marc Raquil pour rapporter les points de la victoire. Porté en triomphe sous une douche de bière bien méritée, le héros du jour savoure : “C'est que du bonheur.”
Sur la seconde marche, on retrouve une redoutable équipe locale, et sur la troisième, l'équipe française Acid Cat. “Je suis content pour vous, mais c'est vrai que deux équipes françaises sur le podium, ça fait un peu beaucoup”, sourit Giorgio Moratti, en remettant une feuille de vigne aux vainqueurs, qui auront su mêler sang-froid, stratégie et panache. Le drapeau tricolore flotte dans le ciel italien. Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille.
Retrouvez le reportage complet dans le Society n°40.