
Naples, début des années 1980. La ville est ravagée par les années de plomb, la guerre interminable contre les clans mafieux et le terrible tremblement de terre d’Irpinia, qui a fait plus de 2 700 morts en novembre 1980. Le futur refuge du footballeur argentin Diego Maradona est âpre, dangereux, bien loin de la destination ultratouristique qu’il est devenu aujourd’hui. Flotte alors dans l’air des Quartiers espagnols et des nouvelles banlieues périphériques une mélodie que personne ne sait décrire. Elle émane d’une armée de chanteurs des classes populaires venus dépoussiérer la chanson traditionnelle locale accompagnée à la mandoline, passée de mode, qui avait pour habitude de dépeindre une Naples de carte postale. À l’inverse, ces jeunes chantent l’amour, la trahison, le sexe, la drogue, voire, pour certains, le crime organisé. Le tout dans un mélange de langue napolitaine et de pop façon Claudio Baglioni. Leurs noms: Nino D’Angelo, Patrizio, Gigi Finizio. Ce qu’ils jouent n’a pas encore de nom, et n’en aura pas jusqu’à ce que le journaliste Federico Vacalebre baptise, une décennie plus tard, cette musique le “neomelodico ”. “Dans un livre collectif, j’ai trouvé un essai d’un type appelé Peppe Aiello qui parlait de la chanson néo-mélodique, et cela allait comme un gant avec ce que l’on vivait là, confie aujourd’hui celui qui est responsable de la rubrique culture du quotidien local Il mattino. J’ai repris ce terme dans un article, puis j’ai écrit un livre à ce sujet, intitulé Dentro il vulcano (“À l’intérieur du volcan”, publié en 1999, ndlr), qui a posé les bases de la définition du phénomène. Petit à petit, le mot est devenu courant.” Parallèlement, le néo-mélodique passe des radios de quartier à la télévision. “À cette époque, les chaînes proposaient, via des lignes téléphoniques payantes, les chanteurs les plus populaires du genre comme Gigi D’Alessio, Franco Ricciardi ou Maria Nazionale reprend Vacalebre. Le principe était simple: vous appeliez et vous disiez ‘Gigi, chante-moi cette chanson, je veux la dédier à ma mère / à mon petit ami / à mon cousin qui est en prison…’ et eux chantaient a capella pendant que vous payiez.” Conséquence: D’Alessio devient une pop star nationale, Franco Ricciardi gagne quelques prix et Maria Nazionale finit à l’affiche du film Gomorra, de Matteo Garrone. Les autres, eux, voient leur renommée bloquée aux frontières de la Campanie.