
“Vous êtes de la police?” Installé à une grande table dans son cabinet du XIVe arrondissement de Paris, Maître Dominique Tricaud sourit, l’air content de sa réplique. L’avocat la ressort dès qu’il n’a pas envie de répondre à une question -une technique qui lui permet de botter en touche et de faire comprendre à son interlocuteur qu’il juge sa requête indiscrète. Cela arrive souvent: à 68 ans, dont une quarantaine passés dans les prétoires, celui que l’on surnomme l’“avocat des rappeurs” s’est habitué à devoir affronter la curiosité des journalistes et a appris à se livrer à coups d’anecdotes, mais sans jamais en dire trop. Ainsi, s’il veut bien révéler qu’il a passé l’été dernier “des bouts de vacances” en Bretagne avec Hamé, du groupe La Rumeur, il préfère ne pas trop s’étendre sur les détails des parties de poker qu’il dispute régulièrement avec Tunisiano, de Sniper. Aussi, quand on évoque son titre d’avocat des rappeurs, Me Tricaud oscille entre l’autosatisfaction, qui le fait égrener la liste de tous les artistes qu’il a défendus –outre La Rumeur et Sniper, donc: “Médine, Monsieur R, Sinik, La Fouine, Alibi Montana, de mémoire”–, et une forme de discrétion, pour dire que sa carrière ne se résume pas qu’à ça.
C’est pourtant ainsi qu’il a construit sa réputation: en défendant des rappeurs face à des représentants politiques qui, au tournant des années 2000, et plus encore à partir de l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, ont commencé à les attaquer en justice pour outrage ou incitation à la violence et tenté de faire interdire leurs concerts. La dernière fois, c’était Médine, dont les représentations prévues au Bataclan en 2018 avaient été annulées sous la pression de l’extrême droite. Souvent, Dominique Tricaud l’a emporté. En ce matin d’octobre, l’avocat hausse les épaules. Il vient d’entendre Éric Ciotti parler de la guerre à Gaza et d’immigration sur France Inter. “Il y a de nouveaux trucs rentables pour le populisme”, constate-t-il.