
Par une froide matinée d’avril, seul le cliquetis du métal trouble le silence de la salle 18 de la Cour fédérale de Boston. Il est 11h quand un agent de sécurité défait les menottes d’un individu en combinaison orange. Derrière lui, quatre rangées de bancs, où siègent des dizaines de journalistes, étudiants en droit ou curieux de tout poil, tel ce couple de touristes retraités de passage dans le Massachusetts. “C’est une affaire importante”, leur souffle l’envoyé de la chaîne télévisée NBC, qui n’avait pas mis les pieds dans ce palais de justice depuis le procès de l’attentat du marathon de Boston, en 2015. Tous fixent des yeux l’homme en tenue carcérale, floquée des initiales noires “PCCF” du centre pénitentiaire du comté de Plymouth, à 40 minutes de route. L’individu ne souffle qu’une poignée de mots au micro, des “oui” et des “non” timides, en réponse aux questions procédurières posées par le juge. Tout juste a-t-il le temps de jeter un bref regard à son père, assis dans le public. L’audience consacrée à sa détention se tiendra finalement deux semaines plus tard, décident en quelques minutes les hommes de loi. Mais l’essentiel se joue ailleurs. L’espace de quelques instants, le tribunal a vu de ses propres yeux celui dont parle toute l’Amérique depuis des jours: Jack Teixeira. Un jeune homme fluet, aux cheveux courts et à la mine juvénile, à peine sorti de l’adolescence. Un geek de 21 ans devenu le suspect numéro un dans l’une des plus importantes fuites de documents secrets que le pays ait connues ces dernières années.