
Il a le dos voûté, la voix qui chevrote par moments. Une artère en plastique, un pancréas sévèrement amoché et plus qu’un seul poumon. Sa cuisine est à son image: le linoléum au sol craquelle, la tapisserie part en lambeaux et le vieux poêle peine à réchauffer. Thierry Poncet a 63 ans mais il pourrait en avoir mille de plus. “J’ai connu l’action, le danger, l’amour, la drogue, l’opulence, les basfonds, la jungle, les déserts, les océans et les montagnes”, résume-t-il. Il est écrivain. Ou plutôt: il a passé une bonne partie de sa vie à écrire celle d’un autre. Celle de Cizia Zykë, fameux bandit aventurier, fils d’un légionnaire d’origine albanaise et d’une mère grecque, rendu célèbre dans les années 1980 par des livres narrant ses expériences d’orpailleur au Costa Rica, de contrebandier dans le désert du Sahara ou de parrain du jeu clandestin à Toronto. “C’était un homme à la fois épouvantable et merveilleux, capable de se montrer d’une cruauté inouïe ou incroyablement généreux, définit Poncet. Une montagne de muscles avec une tête de tueur à gages. Aucune morale, sauf la sienne. Il pouvait exploser d’un coup et t’arracher l’oreille comme ça, sans frémir. Au-delà de cette démesure, c’est l’être le plus intelligent que j’aie connu. Un baroudeur à la croisée de Jack London, Joseph Kessel et Henry de Monfreid.”