
C’était le dimanche 4 mai dernier. William Lamar IV et ses amis sortaient d’un restaurant de Washington quand ils ont croisé “un grand groupe de supporters de Trump”. La tension était palpable. Tout a tenu à un regard, quelques fractions de seconde. “Ils ont vu trois hommes noirs sortir d’un bon restaurant, ils nous ont regardés comme si nous n’avions rien à faire là”, relate le pasteur, le ton posé et le vocabulaire soigneusement choisi de ceux qui prêchent régulièrement. Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, William Lamar IV voit le nombre de microagressions augmenter. Alors, ce jour-là, il a soutenu leur regard. “Pour leur signifier que nous n’irions nulle part.” William Lamar IV n’a pas l’habitude de renoncer. Récemment, il a même fait les gros titres de la presse américaine pour être à l’origine d’un procès unique en son genre, intenté contre les Proud Boys, l’une des milices d’extrême droite les plus connues des États-Unis, qui prône le suprémacisme blanc. La saga judiciaire a débuté le 12 décembre 2020. Ce soir-là, les Proud Boys paradent dans les rues de Washington en tenue militaire. Les miliciens, à qui Donald Trump avait demandé dans un discours de “reculer et se tenir prêts”, contestent alors depuis plusieurs semaines la victoire de Joe Biden à la présidentielle. “Ils se préparaient pour le 6 janvier (date de l’assaut du Capitole, début 2021, ndlr)”, estime aujourd’hui le pasteur Lamar. Son église, la Metropolitan AME, ou église épiscopale méthodiste africaine métropolitaine, est située en plein centre de Washington. “Je n’étais pas sur place et j’ai commencé à recevoir des messages et appels de solidarité, je ne comprenais pas pourquoi.” Il en découvre vite les raisons sur les réseaux sociaux: les Proud Boys se sont filmés en train de franchir la clôture de l’église, d’arracher une banderole de soutien au mouvement Black Lives Matter (BLM) puis de la piétiner. Sur les images, le leader du groupe, Enrique Tarrio, s’affiche avec un sourire aussi large que son gilet pare-balles est épais. Quelques rues plus loin, le groupe met le feu à une seconde bannière BLM arrachée devant une autre paroisse.